“Les SPAC peuvent faire partie de la solution” 

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Duncan Lamont, directeur de la recherche et de l’analyse chez Schroders, livre son éclairage sur les Special Purpose Acquisition Companies (SPAC). Très populaires à Wall Street et en train d’émerger en Europe, ces sociétés dépourvues d'activité commerciale s'introduisent en Bourse avant d'acquérir une ou plusieurs sociétés. Dans cette analyse sous forme de questions réponses, il enjoint les investisseurs à se montrer sélectifs et pointe certains inconvénients des SPAC. L'expert se dit néanmoins très favorable à cette innovation financière, qui dynamise le marché primaire actions.

Les SPAC sont-ils en train d’absorber le marché des introductions en Bourse? 

378 introductions en Bourse ont été réalisées aux États-Unis au premier trimestre 2021. C’est davantage en trois mois que pour l'ensemble de l'exercice de toutes les années comprises entre 2003 et 2019. Les 139 milliards de dollars levés depuis le début de l’année représentent plus de deux fois et demie la moyenne annuelle sur cette période. Et le montant s'approche déjà de celui levé l’an dernier (179 milliards de dollars avec 450 introductions en Bourse).

Après deux décennies où le nombre d’entreprises cotées américaines a chuté de près de moitié, voilà une résurgence bienvenue. Néanmoins, en creusant davantage, on découvre qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Ces chiffres officiels excèdent très largement le nombre d’entreprises qui ont effectivement rejoint le marché boursier. Et pour cause, 79 % des introductions en Bourse de cette année en nombre et 69 % en valeur ont été effectuées par des SPAC.

Entre 2003 et 2019, une moyenne de 17 SPAC par an a été cotée sur le marché boursier américain, avec un record de 66 en 2007. L’année dernière, on a enregistré un nombre historique de 248 introductions en Bourse de SPAC, soit davantage que les 12 années précédentes combinées. Il va sans dire que ce record a déjà été battu en 2021. 297 ont été enregistrés au cours des seuls trois premiers mois de 2021.  Le montant des fonds levés cette année a également dépassé le total record de l’année dernière. Mieux, les 97 milliards de dollars des introductions en Bourse de SPAC en 2021 dépasse tout ce qui a été levé sur l’ensemble de la période 2003-2019 !

Ce n'est plus une vague, mais un tsunami !

Quel est le coût d’un SPAC?

Le coût d’une introduction en Bourse de SPAC peut être terriblement élevé même si, à première vue, il semble moins cher qu’une cotation traditionnelle. Les commissions des souscripteurs représentent 2 % du montant levé à l’avance, avec 3,5 % supplémentaires sous réserve de la réalisation d’une opération. C’est moins que les 7 % souvent facturés pour une introduction en Bourse classique.

Toutefois, étant donné qu’une grande partie des actionnaires rachètent généralement leurs actions, cela signifie que le SPAC a finalement besoin de « conserver » une fraction du produit de l’introduction en Bourse.

Prenons l'exemple d'un SPAC qui lève 100 millions de dollars. Cela entraîne des frais de souscription de 5,5 millions de dollars si une opération a lieu. Toutefois, en supposant que les rachats s’élèvent à 50 % du montant levé, la société ne percevra que 50 millions de dollars (plus les intérêts). Dans ce cas, les commissions de souscription représenteront donc 11 % du produit effectif de l’introduction en Bourse.

Dans les faits, la commission de souscription médiane représente 16 % du produit effectif des introductions en Bourse. Pas si bon marché que ça finalement. Les investisseurs qui rachètent leurs actions ne subissent pas ce coût, car ils récupèrent leur argent. Ce sont les actionnaires qui sont pénalisés.

Faut-il investir dans un SPAC après son introduction en Bourse?

Alors que les investisseurs obtiennent des warrants en plus des actions, lorsqu'ils souscrivent aux introductions des SPAC, ils n'obtiennent en revanche que des actions sur le marché secondaire. Une perspective déjà moins séduisante.

Quelle est la véritable performance des SPAC ?

Certains SPAC générent des performances très solides. La société de paris et de fantasy sports DraftKings (qui a fusionné avec Diamond Eagle Acquisition SPAC en avril 2020) est un excellent exemple. Le cours de son action avoisine les 70 dollars, pour un investissement initial de 10 $. Beaucoup d’autres ont généré des rendements de plusieurs centaines de %.

Cependant, la plupart ne s’en sortent pas si bien. Selon un récent article universitaire, la plupart sous-performent le marché. Il est intéressant de noter que les résultats obtenus sont bien meilleurs pour les « sponsors de grande qualité », c'est à dire des individus affiliés à un fonds de capital-investissement doté de plus de 1 milliard de dollars d’actifs, ou bien qui ont été PDG ou cadre dirigeant d’une société du Fortune 500.

Les SPAC doivent-ils être bien accueillis ou évités ?

Pour les investisseurs, la garantie de remboursement associée aux introductions en Bourse de SPAC leur confère un attrait évident.

En outre, ces investisseurs ont voix au chapitre lorsque le SPAC cherche à lever des fonds supplémentaires pour réaliser une acquisition. Et ils ont accès à un haut niveau d’information pour les aider à prendre une décision éclairée. Certains investisseurs peuvent également estimer que participer à la cotation leur permettra d’acquérir une participation plus importante dans la société que celle qu’ils obtiendraient lors d'une introduction en Bourse traditionnelle.

Les SPAC sont un moyen relativement efficace d’accéder au marché pour les jeunes entreprises dont l'historique de performance est limité. Mais, à l’évidence, un « acheteur averti » et un niveau approprié de due diligence s'imposent.

C’est moins clair lorsqu’il s’agit d’investir sur le marché secondaire, d’autant plus que les investisseurs doivent toujours garder à l’esprit qu’il s’agit essentiellement d’entreprises « chèques en blanc ». Vous mettez donc toute votre confiance dans le sponsor. Certains s’en sortiront bien, mais pour la plupart c’est peu probable, et il ne sera pas facile de séparer le bon grain de l'ivraie. Quoi qu’il en soit, il faut suivre le conseil de la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur américain, de ne jamais investir uniquement sur la renommée d’une célébrité. Il faut aller beaucoup plus loin dans ses recherches.

Malgré les réserves émises dans ces quelques lignes, je suis en fait un grand fan des SPAC et des nouvelles opportunités qu'ils créent.

Depuis trop longtemps, les entreprises non cotées sont découragées de rejoindre le marché boursier. Cela tient en partie au coût et à la difficulté d’une opération. Cette tendance est inquiétante. Car, si les entreprises de grande qualité rejettent le marché boursier ou retardent leur entrée en Bourse jusqu’à ce qu’elles soient plus matures et moins dynamiques, alors ce sont les investisseurs qui risquent de souffrir. En revanche ce sont une fois les investisseurs privés, y compris le capital-investissement, qui bénéficieront des rendements les plus élevés au détriment des épargnants ordinaires. Le capital-investissement est tout simplement trop cher et inaccessible pour la plupart d'entre eux.

Je pense que tout type d’innovation dans le processus d’introduction en Bourse, de nature à inciter les entreprises à réfléchir à une cotation, doit être salué. Et c’est ce que font les SPAC.

Alors oui, soyez sélectifs! Et essayez d’éviter de vous laisser emporter par le battage médiatique. Ignorez-les même complètement si vous le souhaitez, en attendant qu’ils fusionnent avec une entreprise.

Mais ne perdez pas de vue les avantages à long terme qu’un marché primaire dynamique peut apporter. Les SPAC peuvent faire partie de la solution.

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