Par Philippe Tranchet, directeur de la gestion obligataire de Mandarine Gestion.
Le 10 janvier dernier, nous indiquions que beaucoup des tendances de marchés 2025 allaient se jouer au cours du 1er trimestre et que 5 moteurs d’incertitudes et de volatilité allaient animer les marchés durant la première partie de l’année : Trump et ses annonces tonitruantes, la résolution possible des conflits ukrainien et israélo palestinien, des élections en Allemagne permettant un début de relance économique en Europe, et une relative stabilité politique en France.
Force est de constater que cette vision, peu partagée en début d’année, d’une Europe trop sévèrement corrigée par les marchés devient de plus en plus partagée par beaucoup d’investisseurs qui arbitrent leurs investissements vers progressivement davantage d’Europe.
5 facteurs clés mais fragiles pourraient expliquer ce retour en grâce de l’Europe :
- L’Europe fortement sous-pondérée dans les portefeuilles. Les investisseurs ont délaissé depuis 3 ans les marchés européens de manière excessive. Cela prendra donc plusieurs mois de hausse des marchés européens pour qu’un retour à la normale se produise.
- Fini l’effet lune de miel pour l’économie américaine. Même si les déclarations intempestives de Trump agitent les marchés et créent de la volatilité, une tendance semble se dessiner : l’économie américaine a été trop fortement valorisée alors que les mesures de protectionnisme annoncées hier, et le manque d’annonces concernant les baisses d’impôts semblent peser sur l’emploi et créer un risque de reprise d’inflation. Des indicateurs avancés comme l’indice GDP Fed Atlanta, qui vient de passer négatif pour la première fois depuis de nombreux mois, confirment ces risques qui pèsent sur la consommation. Or le juge de paix aux Etats-Unis c’est le consommateur (et c’est ce qui a donné la victoire à Trump). La FED devrait donc être peu encline à baisser ses taux à court terme, contrairement à la BCE qui reste sur une trajectoire vers les 2%.
- Une paix quoiqu’il en coûte. Cyniquement les marchés semblent anticiper une fin de conflit en Ukraine et donc une reprise du business au mépris d’une bonne ou mauvaise paix.
- Berlin qui pourrait faire sauter le mur de la récession. L’Allemagne suite à ses élections semble pouvoir être l’étincelle qui fera repartir l’économie européenne. L’annonce de 2 fonds spéciaux sur les infrastructures et la Défense à hauteur de 800 milliards d’euros au global semble indiquer la volonté d’une relance allemande.
- Quand le bâtiment va, tout va. Une baisse des taux en Europe devrait permettre de relancer des secteurs aujourd’hui à l’arrêt comme l’immobilier et la construction.
Il faut néanmoins avoir raison gardée et ne pas tomber dans un optimisme effréné. La qualité des résultats des sociétés du CAC 40, fortement internationalisées, n’est pas la même pour ceux des small & mid caps qui font face à des économies à l’arrêt. Si le CAC 40 se maintient à des niveaux élevés, il faudra malgré tout davantage de visibilité pour voir un rebond sur les marchés des petites et moyennes valeurs.
Aujourd’hui, l’Europe retrouve un peu de couleurs, mais elle doit encore faire face à beaucoup de défis non réglés. Tous les jours, une actualité chasse l’autre.
Il faudra voir fin juin si les anticipations se sont confirmées, et si une reprise économique au deuxième semestre en Europe peut être sereinement envisagée.