Chronique juridique de Muriel Goldberg-Darmon, docteur en Droit, avocate associée du cabinet Cohen & Gresser, et de Guillaume Guérin et Pierre Wolman, avocats du cabinet Cohen & Gresser.
L’Agence française anticorruption (l’«AFA») a publié en juin 2022 une Charte des contrôles qui met à jour sa précédente Charte publiée en 2019. Cette nouvelle Charte clarifie le déroulé de la procédure de contrôle et intègre les pratiques actuelles de l’AFA en matière de contrôle.
Rappelons que parmi ses différentes missions, l’AFA est chargée de contrôler l’existence, la qualité et l’efficacité des dispositifs anticorruption au sein des entreprises (1) françaises ou des groupes de sociétés dont la société mère a son siège social en France) employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.(2)
Le dispositif anticorruption d’une entreprise vise à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence.(3)
1-La phase de contrôle
La Charte de contrôle abandonne la distinction entre contrôle sur pièces et contrôle sur place au profit d’une procédure scindée en deux phases successives.
Une première phase d’analyse générale
L’entité contrôlée est informée de l’ouverture d’un contrôle, de son objet et de son étendue par un avis de contrôle adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cet avis est systématiquement accompagné d’un premier questionnaire, auquel l’entreprise contrôlée doit répondre dans un délai d’un mois.
L’analyse des réponses apportées à ce premier questionnaire est complétée par des questions écrites et la conduite d’entretiens sur place, selon un calendrier et des modalités techniques arrêtés d’un commun accord entre le représentant de l’entité contrôlée et l’équipe de contrôle de l’AFA.
Cette première phase du contrôle vise à vérifier l’existence, la qualité et l’efficacité de tout ou partie du dispositif anticorruption de l’entité contrôlée au regard de son environnement de risque.
Une seconde phase optionnelle d’approfondissement du contrôle
A l’issue de cette première phase du contrôle, le directeur de l’AFA peut choisir d’engager une seconde phase de contrôle optionnelle qui a pour finalité d’approfondir l’étude du profil de risque et l’analyse du dispositif anticorruption de l’entité contrôlée. Dans ce cas, une réunion intermédiaire est organisée avec le représentant du dirigeant de l’entité contrôlée et l’équipe de contrôle de l’AFA.
En pratique, cette seconde phase se concentre sur un ou plusieurs points particuliers du dispositif anticorruption (une mesure, une zone géographique, une activité spécifique, un processus…). L’analyse de l’AFA se fait également sur la base de questionnaires, de demandes de pièces (notamment d’un échantillonnage de dossiers) et d’entretiens complémentaires.
La Charte précise qu’il est toujours possible pour l’AFA de mener ces deux phases de contrôle simultanément.
Rappelons que dans le cadre de ces deux phases, les contrôleurs de l’AFA peuvent se faire assister par des experts dûment mandatés par l’AFA et disposent de différents pouvoirs(4), à savoir :
-le droit de s’entretenir avec toute personne dont le concours parait nécessaire, ce qui inclut tant les dirigeants ou salariés de l’entité contrôlée, que tout tiers en relation avec celle-ci (clients, fournisseurs, partenaires, actionnaires…) ;
-le droit de se faire communiquer tout renseignement ou document utile au contrôle, quelle qu’en soit la nature et quel qu’en soit le support ;
-le droit d’accès aux locaux professionnels de l’entité contrôlée, ce qui permet notamment de procéder sur place à toute vérification de l’exactitude des informations fournies et de faire une copie sur place des documents consultés.
2-L’établissement d’un rapport provisoire contradictoire
A l’issue de la première phase ou, le cas échéant, de la seconde phase du contrôle, une réunion de clôture est systématiquement organisée entre l’entité contrôlée et l’équipe de contrôle de l’AFA au cours de laquelle seront évoquées les premières constatations du contrôle et les suites de la procédure.
Un rapport provisoire est établi et adressé à l’entité contrôlé. Il contient les observations de l’AFA sur le dispositif anticorruption de l’entité contrôlée et, le cas échéant, des recommandations en vue de son amélioration.
L’entité contrôlée dispose alors d’un délai de 2 mois pour y répondre. L’entité contrôlée peut d’une part, formuler des observations sur les constatations de ce rapport provisoire et d’autre part, transmettre un projet de plan d’action précisant les modalités et le calendrier des actions envisagées pour répondre aux recommandations formulées dans le rapport.
L’équipe de contrôle peut alors procéder aux vérifications nécessaires afin de s’assurer de la qualité et de l’effectivité des mesures mises en œuvre à la suite de la réception du rapport provisoire, et/ou évoquer avec l’entité contrôlée la pertinence du projet de plan d’action.
A l’issue de cette période contradictoire, l’AFA établit le rapport de contrôle définitif qui dresse, en réponse aux observations et au plan d’action de l’entité contrôlée, les observations, recommandations et, le cas échéant, les constats de manquement.
A cet égard, le directeur de l’AFA peut décider de délivrer à l’entreprise contrôlée un avertissement (5) ou de saisir la commission des sanctions de l’AFA afin que lui soit enjoint d’adapter les procédures de conformité internes, et/ou que lui soit infligée une sanction pécuniaire(6).
(1)Rappelons que l’AFA est également chargée de contrôler au sein de certaines personnes morales de droit public l’existence, la qualité et l’efficacité des mesures et procédures destinées à prévenir et détecter les atteintes à la probité, à savoir la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds public et le favoritisme.
(2)Ce double critère étant apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable de la société ou de la société mère concernée.
(3)Rappelons que ce dispositif doit s’articuler au travers des huit mesures et procédures suivantes :
- un code de conduite,
- un dispositif d’alerte interne,
- une cartographie des risques,
- des procédures d’évaluation de la situation des tiers en relation avec la société au regard de la cartographie des risques,
- des procédures de contrôles comptables,
- un dispositif de formation,
- un régime disciplinaire, et
- un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
(4) A cet égard, toute mesure destinée à faire échec à l’exercice des fonctions des agents de l’AFA constitue un délit d’entrave passible d’une amende de 30 000 euros.
(5) Qui pourra conduire à un nouveau contrôle pour vérifier la bonne mise en œuvre des actions de remédiation.
(6) Dont le montant ne peut excéder 200 000 euros pour les personnes physiques et 1 000 000 euros pour les personnes morales.