Un resserrement monétaire en ordre dispersé

  • Publication publiée :4 février 2022
  • Post category:Avis d'expert
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Commentaire de Nicolas Forest, responsable de la gestion obligataire chez Candriam, suite à la première réunion de l’année de la banque centrale européenne. 

La première réunion de l’année de la banque centrale européenne était largement attendue aujourd’hui et cela pour au moins deux raisons.

En premier lieu, le mimétisme. Alors que les banques centrales du monde entier ont entamé leur cycle de resserrement monétaire, la BCE devait expliquer sa singularité – comment maintenir des taux négatifs en 2022 ? Or le communiqué officiel est resté imperturbable en maintenant une politique extrêmement accommodante : un taux de facilité de dépôt négatif et un programme d’achat d’actif mensuel APP de près de 40 milliards d’euro.

Réduction graduelle

Comme annoncé en décembre dernier, le progrès de la reprise économique justifie néanmoins la réduction graduelle du rythme de ses achats d’actifs (notamment son deuxième programme PEPP avec une extinction fin mars 2022) mais c’est assez maigre comme resserrement !

Dans ce contexte, face à des taux directeurs moyens anticipés proche des 1.00% dans un an pour le G10, Christine Lagarde a laissé la porte ouverte à toutes les options possibles pour 2022. C’est donc possiblement le début d’un revirement monétaire et dans ce contexte les taux courts ont monté de près de 12 points de base. Le mimétisme pourrait donc finalement pousser la BCE à sortir de son isolement monétaire.

Au-dessus de l'objectif

Deuxième raison, la crédibilité. Alors que le principal mandat de la BCE est de cibler une inflation moyenne autour de 2%, le chiffre de l’inflation de janvier est tombé hier à 5.1% . Soit une nouvelle surprise à la hausse poussée par la flambée des prix de l’énergie et le blocage de chaines de production. Or non seulement ce chiffre est bien au-dessus de l’objectif de long terme, non seulement c’est le plus haut niveau d’inflation jamais atteint depuis la création de la zone euro, mais c’est surtout un nouveau chiffre bien plus élevé que les anticipations que la BCE (3.2% en moyenne pour 2022), semant le doute sur sa crédibilité à prévoir et contenir la croissance des prix en Europe.

Certes, Christine Lagarde a expliqué les raisons temporaires de cette hausse des prix de l’énergie et de nourriture plus élevés mais qui devrait s’estomper d’ici fin d’année…. Si Lagarde a admis que l’inflation sera plus élevée que prévu, il faudra attendre le mois de mars pour qu’elle adapte ses anticipations pour 2022 et 2023.

Et maintenant ?

Après la convergence monétaire mise à en place face au COVID, le resserrement monétaire sera donc en ordre dispersé. Mais pour l’investisseur, trois tendances globales se dessinent en ce début d’année :

- Les taux devraient continuer de monter grâce à une remontée des taux réels. Ainsi la part de taux négatif dans un univers obligataire global est déjà passée de 30% à 12% soit son plus bas niveau depuis 2018 et devrait continuer à diminuer. C’est la fin de l’ère des taux négatifs.

- La fin des programmes d’achat d’actifs va mettre les spreads de crédit sous pression. Nous avons déjà vu une hausse de 11 et 44 points de base respectivement sur les marchés crédit de bonne qualité et à haut rendement. Et la normalisation monétaire va continuer à créer de la volatilité sur la dette des entreprises.

- Enfin ces deux facteurs signent le retour aux fondamentaux. Tant pour pricer le risque pays et que le risque privé. Aussi dans ce contexte les spreads de la France et de l’Italie pourraient continuer s’écarter. Sur la dette privée, les avertissement sur les comptes de résultat ou les difficultés de gestion des marges opérationnelles seront plus sévèrement sanctionnés

La sélectivité sera donc clé.

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