Le président de l’UDR, allié au Rassemblement National, a déposé une proposition de loi visant à faire entrer la France dans la “révolution monétaire”. Il est favorable à la création d’une réserve nationale de bitcoins, comme aux Etats-Unis et désormais au Luxembourg, qui complèterait les réserves en or, sans impact budgétaire.
Alors que les discussions sur le budget 2026 se prolongent avec une issue très incertaine, Eric Ciotti et de son parti UDR (Union des droites pour la République) viennent de déposer une proposition de loi inédite, saluée par les promoteurs des actifs numériques.
Nouvel ordre monétaire
Rendue publique mardi, elle propose d’adapter “la France au nouvel ordre monétaire en embrassant le bitcoin et les cryptomonnaies” : “Le Bitcoin et les crypto-actifs sont les symptômes et les outils d’une révolution monétaire, commerciale, économique et donc, en un mot, politique. La France, en retard, doit prendre la mesure des changements en cours et s’adapter rapidement, faute de quoi sa situation monétaire et économique pourrait s’en trouver dégradée”, écrit-il en préambule dans le texte et, en substance, dans une tribune publiée ce mercredi dans le Figaro.
Parmi les propositions du l’allié du Rassemblement National, largement en tête dans les sondages dans l’hypothèse où les Français seraient de nouveau appelés aux urnes : l’intégration du bitcoin et des crypto-monnaies dans les enveloppes d’épargne défiscalisées et notamment dans le PEA (plan d’épargne en actions). “Le Bitcoin étant un actif particulièrement indiqué pour protéger le patrimoine financier de l’inflation à long-terme, il doit être accessible aux Français. Pour aligner cette poche sur les autres enveloppes d’investissement, cette proposition de loi autorise la détention de crypto-actifs au sein du PEA, par le biais d’outils financiers dédiés, conformes à la réglementation européenne”, recommande la proposition de loi. “Cette ouverture facilitera la diversification de l’épargne et la démocratisation d’une nouvelle classe d’actifs, sans exposer les épargnants aux plateformes étrangères”, complète-t-il dans sa tribune.
Très loin de l’approche réglementaire
Si les Français accèdent déjà aux crypto-actifs par l’intermédiaire de prestataires de services enregistrés ou agréées, ou bien de fonds indiciels (Exchange Traded Notes) disponibles en comptes-titres, la position d’Eric Ciotti est très éloignée de l’approche réglementaire française, en matière d’adoption des crypto-actifs dans les enveloppes d’épargne, comme l’assurance-vie. “Le Code des assurances impose légitimement que les UC garantissent une “protection suffisante” de l’épargne(…). L'univers des crypto-actifs obéit à une logique étrangère à cette architecture. Le risque de bulle est incontournable en raison de l'absence de référence de valeur. Le fait qu'éventuellement des crypto-actifs soient ‘packagés’ dans des ETF (Exchange Traded Funds) ou des ETN ne change pas la nature du problème. Et ce n'est pas en changeant la rédaction des textes réglementaires que l'on contournera le principe de précaution qui est codifié par la loi”, avait écrit le mois dernier Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR, dans une tribune publiée dans Les Echos.
Eric Ciotti fait au contraire référence à l’approche retenue outre-Atlantique par l’administration Trump : “Les États-Unis ont entamé un virage favorable à l’investissement en crypto-actifs en intégrant des fonds d’investissement en Bitcoin et autres crypto-actifs dans des fonds d’épargne retraite ou les équivalents de nos PEA et assurances-vie”.
Les Etats-Unis en exemple
Le député cite également les Etats-Unis en exemple pour promouvoir l’adoption d’une réserve nationale en bitcoins. “En mars 2025, le président américain Donald Trump a signé un décret exécutif établissant une réserve stratégique de bitcoins. Les États-Unis sont réputés détenir à ce jour 213 297 bitcoins, valorisés plus de 25 milliards de dollars à l’heure de la rédaction de cette proposition de loi – automne 2025. Le montant exact de ces bitcoins reste à confirmer. Cela représenterait 1 % de l’offre totale de bitcoins. Cynthia Lummis, sénatrice américaine nommée à la tête de sous-commission du Sénat sur les actifs numériques le 24 janvier, propose d’acheter 200 000 bitcoins par an jusqu’en 2030, soit 1,2 million de bitcoins à terme. Ajouté à leur stock existant, les États-Unis pourraient donc détenir dans six ans plus de 1 413 000 bitcoins, soit 6,7 % de l’offre totale de bitcoins”.
Le Luxembourg vient aussi d’annoncer que son Fonds souverain intergénérationnel (FSIL) avait alloué 1 % de son portefeuille à des ETF bitcoin au comptant. Il s’agit d’une première pour un État de la zone euro.
Eric Ciotti propose donc d’importer la stratégie américaine : “La France doit commencer à accumuler du Bitcoin, en créant un Établissement public administratif dédié, qui constituera une réserve stratégique de bitcoins. Cette constitution se fera sur le marché primaire, par du minage et sur le marché secondaire, en en achetant, en conservant les saisies judiciaires, en orientant une partie de l’épargne des Français et en acceptant le paiement des impôts en bitcoins. Elle sera sans coût pour le budget”. Objectif : détenir 2 % de l’offre totale de bitcoins à 6 ans, soit 420 000, sur un total de 21 millions.
Utilisation des surplus électriques
Pour le minage de bitcoins, il entend s’appuyer sur le parc nucléaire français et le faible coût de la production électrique. Il fait référence à une proposition de loi du Rassemblement national, déposée par le député Aurélien Lopez-Liguori le 11 juillet 2025, qui vise justement à autoriser à titre expérimental l’utilisation des surplus électriques pour le minage de crypto-actifs.
Enfin, le président de l’UDR recommande la promotion de stablecoins en euros et l’interdiction de l’euro numérique de banque centrale (MNBC), dont la BCE (Banque centrale européenne) et la Banque de France sont les promoteurs. Eric Ciotti semble faire référence ici à la MNBC destinée aux particuliers plutôt qu’à celle réservée aux transactions des professionnels dit “de gros”. “Un usage rationnel, encadré et audité des stablecoins doit être le chemin à suivre pour accompagner cette révolution, à l’inverse d’une monnaie numérique de banque centrale, centralisée, hors de contrôle citoyen, avec des inquiétudes graves sur la confidentialité des données, des transactions et le droit de propriété”.
Il estime que dans un futur proche, la majorité des transactions se feront par stablecoins. “Nous voulons y remédier en autorisant jusqu’à 200 euros de paiements quotidiens en stablecoin libellé en euro, sans déclencher d’obligations fiscales”, propose-t-il dans le Figaro.
“La politique monétaire étant de la compétence de l’Union européenne, une proposition de résolution européenne annexe à cette proposition de loi invitera le Gouvernement à s’opposer, au sein du Conseil de l’Union européenne, à l’adoption du projet de règlement de la Commission établissant un euro numérique”.