Adaptation du cadre réglementaire applicable à la titrisation des créances non performantes

  • Publication publiée :4 octobre 2021
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Chronique juridique par Xavier de Kergommeaux, avocat au Barreau de Paris et associé, Clément Vandevooghel, avocat au Barreau de Paris et Counsel, et Agathe Llorens, consultante, chez Gide Loyrette Nouel A.A.R.P.I

La cession de portefeuilles de créances non performantes par les établissements de crédit européens est devenu un enjeu majeur pour ces acteurs, dans la mesure où les autorités de tutelle imposent un provisionnement sévère à 100 % de ces actifs dans le bilan des banques. 

Le 6 avril 2021, le Parlement européen a ainsi publié deux règlements n° 2021/557 et n° 2021/558 modifiant les règlements n° 2017/2402 du 12 décembre 2017, dit Règlement Titrisation, et n° 575/2013 du 26 juin 2013, dit CRR, afin notamment de proposer un cadre réglementaire plus favorable à la titrisation d'expositions non performantes, jusqu'à présent inadapté à de telles opérations.

Un cadre réglementaire inadapté à la titrisation d’expositions non performantes

Le principal obstacle réglementaire à la titrisation d'expositions non performantes trouvait sa source à l'article 6 du Règlement Titrisation, relatif à la rétention du risque. Aux termes de cet article, l’initiateur, le sponsor ou le prêteur initial d’expositions titrisées doit conserver en permanence un intérêt économique net significatif d’au moins 5 % dans ladite titrisation. Ce pourcentage s'appliquait à la valeur nominale des expositions titrisées ou des tranches vendues ou transférées aux investisseurs. Or, dans le cadre d'une titrisation d'expositions non performantes, cette exigence revenait alors à appliquer la rétention de 5 % à la valeur faciale des créances non performantes, qui ne reflète aucunement leur valeur économique, puisque ces créances sont généralement cédées au véhicule de titrisation avec une forte décote.

En outre, afin de chercher à aligner les intérêts des intervenants à l'opération de titrisation avec ceux des investisseurs, le Règlement Titrisation exige que la rétention du risque soit supportée par l'initiateur, le prêteur initial ou le sponsor. Or, cette exigence s'est avérée inadaptée à la titrisation d'actifs non performants pour laquelle l'initiateur cherche généralement à céder purement et simplement ces actifs sans conserver d'intérêt dans le portefeuille, y compris dans la gestion et le recouvrement de ces actifs. L'application à leur égard de l'exigence de rétention du risque pouvait donc s'avérer contraire à leurs intérêts, les contraignant à conserver une part de ces actifs dans leur bilan selon la structure mise en place. 

Il est donc apparu nécessaire d'adapter cette réglementation au marché grandissant de la titrisation d'expositions non performantes.

Une nouvelle réglementation plus favorable à la titrisation d’exposition non performantes

Afin d'encourager le développement de la titrisation d'expositions non performantes, le Parlement européen a cherché à instaurer un nouveau cadre réglementaire plus favorable à ces opérations, tout en les encadrant.

Le Règlement Titrisation harmonise d'abord la notion de titrisation d'expositions non performantes qui correspond à "une titrisation adossée à un panier d’expositions non performantes dont la valeur nominale ne représente pas moins de 90 % de la valeur nominale de la totalité du panier au moment de l’initiation ainsi qu’à tout moment ultérieur lorsque des actifs sont ajoutés au panier sous-jacent ou en sont retirés en raison d’une reconstitution, d’une restructuration ou pour tout autre motif".

Ensuite, la rétention du risque de 5 % pour les titrisations d'expositions non performantes se calcule désormais à partir de la somme de la valeur nette des expositions titrisées, prenant en compte la décote à l'achat. Cette nouvelle base de calcul du montant de la rétention du risque permet ainsi de refléter et de s'adapter à la particularité des expositions non performantes.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance de cet intervenant dans ces opérations, le recouvreur de ces actifs peut désormais être une entité éligible à la rétention du risque, ce qui n'est pas possible pour les autres catégories d'actifs. Pour cela, il doit pouvoir démontrer, d'une part, qu'il dispose d'une expertise en matière de gestion d'expositions de nature similaire à celles qui sont titrisées et, d'autre part, qu'il a mis en place des politiques, des procédures et des mécanismes de gestion des risques bien documentés et adéquats en ce qui concerne la gestion des expositions.

Enfin, afin d'éviter la sélection d'actifs de qualité inférieure pour les opérations de titrisation, au détriment des investisseurs, le Règlement Titrisation prévoit une obligation, pesant sur l'investisseur, de vérifier les critères d'octroi de crédits utilisés dans la création d'actifs titrisés. Dans le cadre des titrisations d'actifs non performants, les investisseurs devront désormais vérifier "que des normes rigoureuses sont appliquées pour la sélection et la fixation du prix des expositions". Cette nouvelle exigence permettrait ainsi à l’investisseur "de prendre une décision d’investissement raisonnable et bien informée, tout en veillant à ce que la dérogation ne fasse pas l’objet d’abus".

Ces quelques adaptations réglementaires doivent toutefois faire l'objet de précisions, l'Autorité Bancaire Européenne devant soumettre un projet de normes techniques de réglementation à la Commission, au plus tard le 10 octobre 2021.

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