Refonte du label ISR : entre renforcement des exigences et recherche de crédibilité

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Par Candice Boclé, directrice de l'Investissement Responsable chez Mandarine Gestion

Créé en 2016, le label ISR a connu une popularité croissante au cours des dernières années, y compris parmi les fonds monétaires à très court terme. À ce jour, on ne dénombre pas moins de 195 sociétés de gestion, 1 174 fonds labellisés, pour un total de 773 milliards d’euros d'encours.

Cette labellisation massive s’est accompagnée selon certains par une « perte de crédibilité et de pertinence » (1), le label étant jugé trop peu contraignant. Après deux ans de débats et d’intenses batailles de lobbying, le ministère de l’Economie et des Finances a tranché en faveur d’exigences renforcées face aux risques d’écoblanchiment.

Pétrole et Gaz : investissements « socialement responsables » ?

Seul label européen qui « n’incluait pas d’exclusions » (énergies fossiles, tabac...), les épargnants pouvaient parfois s’étonner de retrouver certaines valeurs « brunes » au sein de portefeuilles censés garantir un caractère « vert ». Exit TotalEnergies ou BP. Leaders mondiaux des investissements dans les énergies renouvelables et bas carbone, oui, mais : le nouveau cahier des charges interdit désormais l’ensemble des énergies conventionnelles, c’est-à-dire les entreprises ayant de nouveaux projets gaziers ou pétroliers. Par ailleurs, la nouvelle mouture obligera les prétendants au label à s’engager sur une trajectoire de transition alignée avec l’accord de Paris.

« Courage, fuyons » : où placer le curseur ?

La demande de pétrole restant élevée, dans un contexte où l’offre n’est pas cantonnée aux frontières de la France et de l’Europe (qui représente seulement 7% des émissions de CO2 mondiales), il n’est pas certain que le désengagement contribue à atténuer le changement climatique. Comme l'ont bien démontré Shue et Hartzmark (Yale University et Boston College), « si une firme « marron » change ses émissions de seulement 1 % en plus ou en moins, c'est beaucoup plus significatif qu'une firme « verte » typique qui change ses émissions de 100 % ». Pour les émetteurs faisant l’objet d’une vigilance renforcée en raison de leurs fort impact climatique (transports, industrie lourde, agriculture, etc.), il s’agira de limiter les divergences entre les ambitions et la réalité en termes de plans de transition, au risque de devoir sortir la société du portefeuille.

2024 : une phase de transition technique pour accompagner la transition écologique

La nouvelle version du référentiel est en place depuis le 1er mars 2024, les fonds précédemment labellisés ayant jusqu’au 1er janvier 2025 pour se mettre à la page. Selon une étude récente de Morningstar (2), 45 % des fonds ISR sont exposés aux secteurs de l'énergie traditionnelle. Bien que les exclusions ne soient pas unanimement considérées comme la solution pour accompagner les acteurs économiques dans leur transition vers un monde moins carboné, ce label qui se veut généraliste s’oriente désormais davantage vers un label « climat ».

Quels impacts pour les investisseurs ?

Au-delà de nouvelles exclusions à prendre en considération, la nouvelle version du Label ISR s’accompagne de critères de sélectivité renforcés. 30% des valeurs « les moins ESG » en termes de notation doivent être écartées des univers de départ, ce qui a un impact direct sur la gestion. Par ailleurs, des exigences renforcées sont à prendre en compte en matière de gestion des controverses, d’engagement actionnarial et de politique de vote, ce qui entraine des conséquences pour les équipes ESG.

Face à l’urgence climatique, nous estimons qu’une refonte réduite au minimum aurait davantage déçu les épargnants, pour un label qui représente encore un des outils majeurs de la finance durable. Cependant, la tâche des gérants se complique de plus en plus pour des fonds distribués dans plusieurs pays européens en raison des filtres d’exclusions divers et variés. Face au report d’un EcoLabel reconnu sur l’ensemble du continent, rendre le Label français plus lisible pour l’épargnant final est une avancée positive.

(1) Inspection Générale des Finances, Bilan et perspectives du label « Investissement socialement responsable » (ISR), décembre 2020

(2) Morningstar, Label ISR : les règles se durcissent, novembre 2023

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