Stub equity et retrait de cote

  • Publication publiée :16 août 2023
  • Post category:Avis d'expert
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Chronique juridique de Marie-Aude Noury, avocat au Barreau de Paris, associée, Squair A.A.R.P.I.

Les opérations de retrait de cote initiées par des fonds d’investissement s’opèrent généralement par une offre publique en numéraire, conduisant à la sortie de la bourse une fois le seuil de retrait obligatoire atteint.

Une structuration différente lors d’une opération récente sur le marché français mérite d’être soulignée (1).

Une opération originale

L’initiateur, un véhicule d’acquisition non coté, créé pour les besoins de l’offre, a proposé aux actionnaires de la cible une offre publique alternative d’achat en numéraire (branche numéraire) et d’échange de leurs titres contre ses titres non cotés (branche échange), avec intention de retrait obligatoire. A la suite de la réalisation de l’offre et du retrait obligatoire, l’initiateur a prévu de fusionner avec la cible en l’absorbant. De fait, à l’issue de ces opérations, les actionnaires de la cible cotée se retrouvent actionnaires d’une société quasi identique mais non cotée.

L’offre bénéficiait d’engagements d’apport représentant près de 88% pour la branche échange qui, associés avec les intentions d’apport à la branche numéraire, assuraient l’atteinte du seuil de mise en œuvre du retrait obligatoire, et donc le succès de l’opération.

Il était convenu que l’activité de la cible était poursuivie au sein du véhicule d’acquisition non coté avec une stratégie et une gouvernance semblables à celles de la cible.

L’originalité de cette offre, ouverte par définition à tous les actionnaires, réside dans le fait que le flottant pouvait échanger ses titres cotés de la cible contre des titres non cotés de l’initiateur.

Du fait de l’illiquidité résultant de l’absence de cotation des titres proposés, il était toutefois prévu un mécanisme statutaire de liquidité en fonction de la durée de détention et, sous réserve de l’existence d’un bénéfice distribuable et de l’accord des organes de gouvernance, une politique de distribution des plus-values annuelles réalisées sur les sorties d’investissement.

Cette opération n’est pas sans rappeler une offre publique avec intention de retrait, mais la cotation des titres de l’initiateur était demandée simultanément (2). L’opération conduisait pour les actionnaires de la cible à un changement de véhicule d’investissement, l’initiateur devenant la société-mère cotée du groupe.

Points d’attention

Une offre en numéraire a été proposée à tous les actionnaires de la cible, les titres de l’initiateur n’étant pas cotés et donc illiquides, et rendait possible la mise en œuvre du retrait obligatoire à l’issue de l’offre.

L’attestation d’équité établie par l’expert indépendant et l’avis motivé du conseil de surveillance de la cible ont appréhendé l’opération dans son ensemble, et en particulier dans ses deux branches (branche échange et branche numéraire).

S’agissant des informations à produire concernant l’initiateur, loffre publique d’échange bénéficie d’une dispense de prospectus au titre du Règlement européen 2017/1129 pour l’offre au public des titres dès lors qu’un document d’exemption a été établi mais celui doit être approuvé par l’AMF lorsque les titres ne sont pas cotés.(3)

Au cas particulier, le document d’exemption constitue l’annexe du document « Autres informations » de l’initiateur et est d’une taille significative (4). Il mentionne notamment les risques liés à l’absence de cotation des titres proposés et le fait qu’accepter l’échange de titres conduit à devenir actionnaire d’une société non cotée.

Stub equity 

Ces opérations se rapprochent du stub equity connu dans certaines juridictions étrangères.

Les fonds non cotés ne proposent traditionnellement comme contrepartie que du numéraire dans le cadre de leurs offres publiques. Dans certaines situations cependant, des actionnaires peuvent être davantage intéressés à recevoir des titres qui leur permettront de poursuivre une exposition économique à la cible qu’ils peuvent considérer comme sous-valorisée en bourse et dont ils espèrent réaliser des plus-values à terme lors d’une cession ultérieure. C’est à ce besoin que répond le stub equity.

Le stub equity peut avoir des modalités diverses. Il peut être proposé dans le cadre d’une offre publique sous la forme de titres cotés ou non cotés, en particulier dans des opérations de public to private initiées par des fonds, conférant une détention indirecte dans la cible une fois l’opération réalisée.

Parce qu’elle s’assortit d’une augmentation de capital de l’initiateur, l’opération de stub equity a également pour conséquence de diminuer le levier financier de l’acquisition.

Nul doute que ce schéma particulier est destiné à être réutilisé par des fonds de private equity dans un certain nombre de situations où l’adhésion au modèle économique de la cible présente pour une grande partie de ses actionnaires un intérêt supérieur à la réalisation immédiate en numéraire de leur investissement.

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(1) Note d’information ayant reçu le visa de l’AMF n°22-377 du 13 septembre 2022 relative à l’offre publique alternative d’achat et d’échange de NextStage Evergreen visant NextStage

(2) Note d’information ayant reçu le visa de l’AMF n°17-039 du 31 janvier 2017 relative à l’offre publique d’échange simplifiée à titre principal assortie d’une offre publique d’achat simplifiée à titre subsidiaire de Tikehau Capital visant Salvepar et prospectus ayant reçu le visa de l’AMF n°17-047 du 31 janvier 2017 concernant l’admission des titres de Tikehau Capital sur le marché réglementé d’Euronext Paris.

(3) Article 1-6bis du Règlement européen 2017/1129

(4) Document d’exemption approuvé par l’AMF n°22-376 du 13 septembre 2022 dans le cadre de l’opération initiée par NextStage Evergreen sur NextStage

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