Chronique juridique de Guillaume Dolidon, avocat au Barreau de Paris (Dolidon Partners) et Marie-Aude Noury, avocat au Barreau de Paris (Cabinet Noury)
Lorsqu’un entrepreneur crée ou rachète une entreprise, la question souvent la plus importante à discuter avec les autres actionnaires, et plus particulièrement les investisseurs financiers, est la stratégie de sortie (ou d’exit). Les objectifs des investisseurs qui vont accompagner les fondateurs dans le développement de l’entreprise ne souffrent en effet d’aucune ambigüité, ils cherchent à réaliser une plus-value et à sécuriser autant que possible l'événement de liquidité en termes de calendrier. Pour eux, le pacte d’actionnaires est donc l’instrument qui fixe le cap de la sortie, celle qui leur permettra de monétiser leur investissement.
La voie la plus efficiente
Pour les fonds de capital-risque, la sortie par voie d’introduction en bourse peut être la plus efficiente sur le plan financier. Pour les fondateurs, l’accès aux marchés de capitaux constitue également un vecteur de référence pour financer la croissance de leur entreprise de manière ambitieuse, et poursuivre ainsi le cycle de l’aventure entrepreneuriale. Pourtant, jusqu’à une période récente, les introductions en bourse n’ont cessé de décliner, si bien que la sortie par la vente de l’entreprise était devenue le scénario de référence le plus naturel.
Le regain d’intérêt récent des investisseurs pour la bourse, comme les différentes initiatives menées pour attirer les entreprises vers les marchés de capitaux laissent entrevoir un climat propice aux IPO (1), et donc une prise en considération sérieuse dans les futures stratégies de sortie.
Lors d’une prise de participation, les investisseurs peuvent conditionner leur investissement à l’insertion dans un pacte d’actionnaires d’une clause d’introduction en bourse. La rédaction de cette clause aura pour objet de préciser les conditions et les modalités selon lesquelles l’IPO sera mise en œuvre, voire imposée par des actionnaires minoritaires en particulier, financiers.
Clause d'introduction en bourse
Sur le plan mécanique, la clause de sortie par introduction en bourse peut schématiquement s’articuler suivant la même chronologie que les clauses de liquidité usuelles et démarre généralement par une phase de concertation au cours de laquelle les fondateurs devront proposer une solution de sortie aux investisseurs. Le pacte d’actionnaires peut en effet définir un principe général suivant lequel les parties feront leurs meilleurs efforts pour assurer la liquidité des investisseurs par la voie d’une introduction en bourse, tout en laissant – au moins dans un premier temps – aux fondateurs une relative flexibilité quant à l’organisation de cet événement (eu égard notamment aux opérations structurelles préparatoires qu’il conviendra d’adopter), sa définition et ses modalités pratiques.
Cette manière de procéder est à la fois réaliste et conforme à l’intérêt social, puisque le processus d’introduction en bourse dépend nécessairement d’éléments extérieurs à la société, de sorte que sa réalisation ne peut être garantie. Il est en revanche tout à fait envisageable de prévoir dans le pacte d’actionnaires que si, à l’issue d’une période définie, l’introduction en bourse n’a toujours pas eu lieu, les actionnaires majoritaires et/ou fondateurs se trouvent alors dans l’obligation de racheter les titres des minoritaires.
Il est également envisageable de prévoir dans le pacte un engagement de confier un mandat à un intermédiaire financier habilité qui sera chargé d’accompagner la société dans le projet d’introduction en bourse, d’autant plus que cet intermédiaire pourra se voir confier une mission alternative de recherche d’un acquéreur pour la société, notamment si les conditions de marché s’avéraient défavorables pour la société et/ou ses actionnaires.
Généralement, il est prévu que le pacte prenne fin sous condition suspensive de la cotation de la société.
Dès la cotation, les actions sont librement négociables. Certains actionnaires peuvent néanmoins souhaiter rester liés par un pacte pour des questions relatives à la gouvernance ou à l’organisation de la cession des titres entre eux. Les clauses qui comportent des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions cotées sur un marché réglementé et représentant au moins 0,5% du capital ou des droits de vote doivent être transmises à l’Autorité des marchés financiers qui en assure la publicité. Se pose également la question de l’existence ou non d’une action de concert, dont les conséquences sont importantes en droit boursier.
- Le Listing Act européen, ou comment redonner aux introductions en bourse leur rôle déterminant pour financer les entreprises, et plus particulièrement les PME, Marie-Aude Noury et Guillaume Dolidon, publié dans Finascope (01/02/2022)