Un nouveau renforcement du contrôle des investissements étrangers en France

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Chronique juridique de Muriel Goldberg-Darmon, docteur en Droit, avocate associée du cabinet Cohen & Gresser, Guillaume Guérin et Eleonore Messina du cabinet Cohen & Gresser.

Depuis plusieurs années, des réformes successives sont venues renforcer le contrôle des investissements étrangers en France. Un décret et un arrêté du 28 décembre 2023 ont, une fois encore, étendu le champ d’application de ce contrôle à compter du 1er janvier 2024.

Rappelons que la France dispose d’une procédure d’autorisation préalable pour les investissements étrangers dans des secteurs limitativement énumérés de nature à porter atteinte à l'ordre public, la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale.

Dans ce cadre, un dossier de demande d’autorisation préalable doit être déposé auprès du ministre chargé de l’Economie, dont le délai d’instruction est de trente jours ouvrés. Ce dossier doit notamment comporter l’identification de l’investisseur, le détail des activités et des actifs de l’entité cible française, les modalités de financement ainsi que les motifs et la stratégie de l’investissement.

Afin de simplifier cette procédure, le dépôt de la demande et les échanges qui en découlent sont entièrement dématérialisés depuis le 2 octobre 2023 avec la mise en place de la nouvelle Plateforme IEF[1].

Avec pour objectif de renforcer la protection des entreprises et technologies françaises, le décret et l’arrêté du 28 décembre 2023 ont complété la liste des secteurs sensibles ainsi que celle des opérations d’investissement soumises au contrôle[2].

Pérennisation du contrôle des franchissements du seuil de 10% dans les sociétés cotées sur un marché réglementé

Pour mémoire, dans le contexte de la crise économique liée au Covid-19, la France avait institué en juillet 2020 un contrôle temporaire des investisseurs « non-européens » qui venaient à franchir le seuil de 10% des droits de vote d’une société française, opérant dans l’un des secteurs sensibles, dont les actions sont admises aux négociations sur un marché règlementé. Ce contrôle excluait les investissements dans les sociétés cotées sur les marchés non réglementés (comme Euronext Growth et Euronext Access) ou sur tout marché « non européen ».

Initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2020 et régulièrement reconduite, le décret du 28 décembre 2023 a définitivement entériné cette mesure.

Extension du contrôle aux succursales françaises de sociétés étrangères

Le décret soumet désormais à la procédure d’autorisation préalable les prises de contrôle des succursales françaises, exerçant une activité sensible, détenues par des entités étrangères. Cette nouvelle mesure a vocation à s’appliquer à des transactions de droit étranger dans lesquelles un investisseur non-français acquiert une société-mère située à l’étranger.

Cette mesure est présentée par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, comme visant à « se prémunir d’éventuelles stratégies de contournement de la réglementation » des investissements étrangers en France.

Elargissement des activités soumises au contrôle des investissements étrangers

Le décret et l’arrêté précités ont également étendu la liste des secteurs sensibles du contrôle des investissements étrangers à trois nouveaux secteurs :

  • les activités portant sur des infrastructures, biens ou services essentiels incluent dorénavant celles visant à garantir l’intégrité, la sécurité ou la continuité de l’extraction, de la transformation et du recyclage de matières premières critiques ;
  • les activités de recherche et développement portant sur les technologies critiques concernent désormais la photonique et les technologies de production d’énergie bas carbone ;
  • l’exercice des missions de sécurité des établissements pénitentiaires est également ajouté à la liste des activités soumises au contrôle.

Mise en place d’une unique exemption « intragroupe »

Enfin, la réforme modifie les cas d’exemption précédemment prévus.

D’une part, elle supprime la possibilité pour un investisseur « non-européen » ayant reçu une autorisation de franchir le seuil de 25% des droits de vote d’une entité française, d’en prendre le contrôle sans nouvelle autorisation.

D’autre part, elle fusionne les autres cas d’exemption. Ainsi, il existe désormais une unique exemption en cas de reclassement intragroupe, à savoir sans changement de contrôle indirect de l’entité française.

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L’ensemble de ces nouvelles mesures élargit encore un peu plus l’étendue du contrôle exercé sur les investissements étrangers en France. Reste à savoir si ce renforcement réglementaire s’accompagnera également d’une appréciation plus sévère dans l’octroi des autorisations.

[1] https://plateforme-ief.dgtresor.gouv.fr/

[2] La liste des opérations d’investissement soumises au contrôle se limitait à (i) la prise de contrôle d’une société française par tout investisseur étranger, (ii) l’acquisition de toute ou partie d’une branche d’activité d’une société française, et (iii) l’acquisition de plus de 25% des droits de vote d’une société française pour les investisseurs « non-européens ».

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