Le NAV financing, une tendance croissante

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Très développé aux États-Unis, le net asset value (NAV) financing – le financement adossé à la NAV (valeur nette d'inventaire) – connait un bel essor en Europe ces dernières années, particulièrement depuis la pandémie. Plébiscité par les fonds de private equity, ce financement présente de nombreux avantages, même s’il ne demeure pas à l’abri de critiques de la part de certains acteurs du marché. Chronique juridique de Clément Vandevooghel, avocat au Barreau de Paris, associé
Morgan, Lewis & Bockius UK LLP et Agathe Llorens, avocat au Barreau de Paris, collaboratrice.

Les prêts adossés à la NAV (NAV facilities) sont des prêts à terme accordés à des fonds d’investissement (soit directement au fonds, soit au niveau d’une structure ad hoc détenue par le fonds) par des établissements de crédit, mais également par des prêteurs non bancaires tels que des gestionnaires d’actifs ou des assureurs, et qui sont adossés à la valeur du portefeuille d’actifs détenus par le fonds et aux flux de trésorerie qui en découlent.

Si les NAV facilities sont plébiscités pour leur structuration sur mesure, permettant ainsi de s’adapter aux spécificités du fonds emprunteur, le NAV financing a toutefois des caractéristiques communes.

Tout d’abord, ces prêts sont généralement des prêts à moyen terme, mis en place pour une durée allant de trois à cinq ans.

En outre, les montants prêtés, calculés par rapport à la valorisation des actifs sous-jacents, correspondent en moyenne à 10 à 20 % de la valeur totale des actifs du fonds. En effet, dans le cadre d'une NAV facility, le montant emprunté est limité à un montant égal à la valeur nette des actifs qui répondent à des critères d'éligibilité convenus entre les parties au financement, multiplié par un taux (advance rate). Cette valeur tient compte des caractéristiques des actifs, notamment des limites de concentration, des éventuels privilèges les grevant ou encore d’événements défavorables de crédit (tels que des événements d'insolvabilité ou des baisses de performance).

La valorisation des actifs est donc un point central de ce type de financement, dans la mesure où le montant prêté dépend directement de la qualité et du type d’actifs concernés. Elle est généralement réalisée par le fonds, mais les prêteurs peuvent procéder à une contre-évaluation des actifs (ou la faire réaliser par un tiers).

Enfin, ces prêts sont généralement garantis par un ensemble de sûretés et garanties, qui varie au cas par cas, notamment en fonction de la stratégie d'investissement du fonds et de son portefeuille d’actifs, de la structure d'emprunt, ou encore de problématiques fiscales. Ces garanties prennent le plus souvent la forme d’un nantissement du compte bancaire sur lequel sont perçues les distributions issues des actifs, ou d’un nantissement des créances de ces dites distributions, ou encore un nantissement des parts ou actions détenues par le fonds dans la structure ad hoc possédant lesdits actifs. L'objectif de telles sûretés est donc de permettre aux prêteurs de contrôler les actifs sous-jacents et/ou les distributions versées sur ces actifs, leur accordant ainsi un certain niveau de confort dans l’opération.

Cette flexibilité de structuration et la possibilité de les mettre en place pour une variété de catégories d'actifs (y compris les fonds de capital-investissement, d'infrastructure ou les fonds secondaires) explique ainsi l’attractivité des NAV facilities, tant pour les emprunteurs que pour les prêteurs. Le recours à cet outil de financement est donc sans doute amené à continuer de se développer.

Un financement amené à se développer, mais dont l’usage doit être encadré

Le recours à de tels prêts intervient essentiellement vers la fin de la période d’investissement du fonds, lorsque le fonds a déjà investi la majeure partie de son capital mais qu’il a besoin de disposer de liquidités. Ce besoin de liquidités peut se justifier notamment par la volonté d’augmenter les rendements, de financer ou refinancer les acquisitions d'actifs, d’injecter des liquidités supplémentaires ou d’accélérer les distributions au bénéfice des investisseurs. Or, il est fréquent que les conditions de marché ne permettent pas au fonds d’obtenir ces liquidités de manière optimale par la cession de ses actifs. Le recours aux NAV facilities se présente donc comme une source alternative de liquidités.

Les NAV facilities diffèrent ainsi des subscription line credit facilities (également connus sous le nom de capital call facilities) qui sont des crédits utilisés par un fonds au début de sa période d’investissement, pour couvrir les appels de fonds des investisseurs pendant cette période. Contrairement aux NAV facilities, la base d'emprunt des subscription line credit facilities est déterminée par la valeur des engagements disponibles des investisseurs répondant à certains critères d'éligibilité. Ces financements sont décrits comme des financements dits « orientés vers le haut » (upwards looking) étant donné que les prêteurs se concentrent sur la solvabilité des investisseurs et la solidité juridique de leurs engagements disponibles à l'égard du fonds. Au contraire, les NAV facilities correspondent à des financements dits « orientés vers le bas » (downwards looking), car les prêteurs se fondent sur la valeur du portefeuille d’actifs du fonds.

Certains acteurs ont pu émettre des critiques sur l’utilisation de plus en plus fréquente du NAV financing, estimant notamment que le recours à ce mode de financement est « opaque » et qu’il contribue à ajouter « de la dette sur de la dette », notamment lorsque ce financement a pour objet de procéder à des distributions anticipées auprès des investisseurs (le plus souvent restituables). En effet, la documentation du fonds ne prévoit pas toujours le recours à ce type de financement ou prévoit une possibilité générale de recours à l’effet de levier sans viser spécifiquement le NAV financing. Dans ce cas, il est recommandé aux gestionnaires d’obtenir le consentement des investisseurs préalablement au recours au financement, ou a minima d’informer les investisseurs lorsque le recours au NAV financing est autorisé par la documentation du fonds. Cela permet ainsi aux investisseurs d’apprécier l’impact potentiel du financement sur le profil de risque du fonds et sur son rendement.

Toutefois, malgré ces contraintes, ce type de financement va sans doute continuer à se développer dans les années à venir. En effet, le NAV financing est de plus en plus plébiscité, notamment en raison de la conjoncture économique actuelle et des conditions de taux de marché. En outre, les acteurs sont de plus en plus nombreux à se positionner sur ce type de financement, notamment du côté des prêteurs où de nombreuses banques européennes cherchent à développer cette activité.

Le marché du NAV financing dans le monde est aujourd’hui estimé à environ 100 milliards de dollars, et devrait atteindre 600 milliards de dollars d’ici 2030 selon les projections de la Fund Finance Association, ce qui présage un bel avenir au NAV financing.

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