Les fonds monétaires français sont caractérisés par une cyclicité trimestrielle

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(Crédit : AMF)

L’Autorité des marchés financiers (AMF) s’est penchée sur la rupture de liquidité du début de la crise sanitaire, qui avait aussi déstabilisé le marché des NeuCP. L'autorité de tutelle n'a pas identifié la même contrainte de calendrier dans d'autres marchés européens.

Que s’est-il passé sur le marché monétaire français au début de la crise sanitaire? A l’époque, en mars 2020, des rachats massifs avaient occasionné une brève crise de liquidité, interrompue grâce aux interventions des banques centrales.

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) s’est penchée sur la question et publie une analyse détaillée des portefeuilles des fonds monétaires français lors de cette crise. Celle-ci s’inscrit dans une réflexion plus large conduite par l’OICV (Organisation Internationale des Commissions de Valeur) ou IOSCO, qui a rédigé une note thématique en novembre 2020.

L'étude de l'AMF est signée Pierre-Emmanuel Darpeix et Natasha Mosson.

Dette à très court terme

Ces fonds monétaires (aussi appelés money market funds, ou MMF) sont des organismes de placement collectif (OPC) investissant dans des portefeuilles de titres de dette à très court-terme qui peuvent être émis par des États (bons du Trésor), des administrations publiques, des banques (certificats de dépôt) ou d’autres types de sociétés non financières (commercial paper, CP).

L’autorité de tutelle dresse un constat qui, conjugué à d’autres facteurs conjoncturels, a pu contribuer à ces fortes turbulences:  les MMF français sont caractérisés par une grande cyclicité trimestrielle des flux, avec des rachats avant les fins de trimestre : “La trésorerie des investisseurs est parfois placée tout au long du trimestre et retirée juste avant l’échéance comptable de fin de trimestre pour être présentée comme telle dans les bilans. Les retraits sont traditionnellement légèrement plus marqués aux échéances de juin et de décembre

Or, cet élément, susceptible d'avoir déstabilisé le marché fin mars 2020, n’est visiblement pas présent sur des marchés européens équivalents.

Atypique en Europe

La forte cyclicité des MMF français semble atypique en Europe : les données publiées par la Banque centrale du Luxembourg et par la Central Bank of Ireland ne permettent pas d’exhiber un tel schéma dans ces deux juridictions. Cette différence propre à la France interroge et laisse penser que ce ne sont pas les mêmes catégories d’investisseurs qui ont recours aux MMF et / ou les mêmes usages qui sont faits des MMF selon les juridictions”, s’étonne l’AMF. 

Compte tenu d’un environnement déjà troublé par la crise sanitaire, les rachats de fin de premier trimestre 2020 avaient dépassé le double du maximum historique d’un mois de mars.

Lors de cette crise, ce sont essentiellement les titres émis par les institutions financières, majoritaires dans les portefeuilles, qui ont été vendus par les fonds monétaires. “Avant la crise (en janvier/février 2020) les sociétés non financières représentaient un peu plus de 20 % de l’actif des MMF alors que le secteur financier frôlait les deux-tiers. Les vagues de rachat du mois de mars 2020 ont déformé le portefeuille des MMF : la part des titres du secteur financier a diminué jusqu’à ne représenter qu’à peine plus de la moitié de l’actif des MMF, au profit du cash, qui est passé de 10 % à 21 % entre janvier et avril 2020”, détaille l’AMF.

Il s’en est suivi une rupture de liquidité sur le marché des NeuCP sur lequel les établissements financiers et les entreprises commerciales gèrent leur trésorerie en émettant des titres. 

Au sein du secteur financier, c’est essentiellement la part des titres bancaires qui s’est comprimée : ils représentaient 36 % de l’actif des MMF après crise contre plus de 48 % avant crise. Cette baisse s’est concentrée sur les banques dont la maison mère est française”, ajoute l’autorité de tutelle.

Vers une nouvelle réglementation

L’Autorité Européenne des Marchés Financiers (ESMA) a ouvert une consultation en mars pour une possible nouvelle réforme des fonds monétaires. La précédente a pourtant été appliquée en 2018 et 2019.

L’autorité de tutelle annonce vouloir adresser ses recommandations à la Commission européenne au cours du deuxième semestre 2021 après avoir recueilli les réponses de sa consultation d’ici au 30 juin prochain. Une réglementation pourrait intervenir quant à elle d’ici à la fin du premier semestre 2022.

Il s’agit d’un enjeu de stabilité financière majeur, compte tenu des encours gérés par ces fonds dans le monde : 7.000 milliards de dollars à fin 2019 selon ICI.

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