“ Paris est leader de l’Union Européenne”

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Arnaud de Bresson est directeur général de Paris Europlace depuis 1993.

Nouvelle Interview “Stratégie” sur Finascope. Après Camille Leca d’Euronext la semaine dernière, Arnaud de Bresson répond à nos questions à un mois des Rencontres Internationales de Paris Europlace du 29 juin. Le directeur général de l’association de promotion de la place financière détaille les derniers développements post-Brexit. Il dénombre 4000 emplois directs et 120 délocalisations de Londres vers Paris. Selon lui, le mouvement devrait s’accélérer grâce à une stratégie de long terme qui porte ses fruits. 

Quelle est la situation de la place de Paris cinq mois après le Brexit?

Je le répète à chaque fois. Nous ne nous réjouissons pas du Brexit qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’Europe. Néanmoins, il est clair que c’est un facteur d’accélération pour la place de Paris. La dynamique s’est enclenchée il y a 4 ou 5 ans, notamment depuis l’élection d’Emmanuel Macron et les réformes qui ont été mises en œuvre, en matière d’environnement réglementaire et fiscal. Paris est en train de passer un cap. La place devient plus ouverte et internationale, et même le leader de l’Union Européenne en matière financière. 

En quoi Paris est-elle devenue le leader?

Paris a pris le lead en matière de nombre de projets d’implantation et d’emplois. Dans le secteur financier, nous avons 120 projets d’établissement déjà réalisés ou en cours à Paris et en Région Ile-de-France. Cela représente 4000 emplois directs déplacés de Londres vers Paris et un potentiel de 15000 emplois indirects supplémentaires. Cela concerne la banque de financement et le trading, avec notamment Bank of America qui développe 400 nouveaux postes, JP Morgan qui devrait recruter environ 300 personnes supplémentaires dans les 2 ou 3 ans qui viennent, ou encore Morgan Stanley qui va doubler ses équipes et Goldman Sachs, dont l’objectif est de passer de 80 à 350 collaborateurs en deux ans. 

Le mouvement est un peu plus tardif dans l’investissement malgré les développements de BlackRock et Schroders. Les équipes de gestion s’installent à Paris pendant que Luxembourg attire plutôt les legal entities. Citadel et Citadel Securities viennent d’obtenir leur agrément de l’AMF et de l’ACPR. Je les avais rencontrés à New York début 2020, juste avant que les frontières ferment. Les 29 juin, lors des Rencontres Financières de Paris Europlace, nous accueillerons ces entreprises internationales, que ce soit des banques ou des investisseurs.

"Certains établissements qui avaient choisi de s’implanter dans d’autres villes européennes sont en train de changer d’avis." 

L’amplitude du mouvement n’est-elle pas néanmoins inférieure à vos attentes?

Certaines estimations étaient en effet plus élevées. Mais, ce n’est que le début selon nous. Et le mouvement va s’accélérer avec l’application effective du Brexit depuis le 1er janvier. Il a en outre été bien ralenti par le Covid. Londres constate qu’une partie significative de ses activités s’éloigne, aussi bien en termes d’emploi et d’actifs. J’ajoute que certains établissements qui avaient choisi de s’implanter dans d’autres villes européennes sont en train de changer d’avis, car ils se rendent compte de leurs difficultés à recruter et sont déçus de leur cadre de vie. 

La récente étude du think tank londonien New Financial montrait une moindre attractivité de Paris en termes d’implantation de sièges sociaux. Qu’en pensez-vous?

Il faut d’abord souligner que cette étude indique que Paris occupe la position de leader de l’Union Européenne avec 24 % de parts de marché pour les activités financières, contre 20 % pour Francfort par exemple. A propos des quartiers généraux, c’est un sujet qui nous mobilise et pour lequel nous allons faire des propositions dans les prochaines semaines. 

Les négociations d’équivalence entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni ne vont-elles pas freiner les délocalisations?

Pour l’instant, les autorités européennes attendent de voir comment évolue la réglementation hors Union européenne avant d’aller plus loin. Les équivalences reposent sur le principe de l’harmonisation des règles des activités concernées. Dans le cas d’une égalité des règles, une équivalence peut en effet être accordée, procurant alors aux acteurs une sorte de passeport. Il est trop tôt pour savoir si la place de Londres va évoluer vers une régulation divergente de celle en vigueur en Europe et dans quels domaines. Il apparaît quand même très peu probable que les équivalences puissent se développer.

"Cela fait toute la différence avec Francfort, qui est plutôt une ville de banques traditionnelles ou Luxembourg, qui héberge principalement des legal entities d’asset managers"

Quelle est la stratégie de la place pour poursuivre l’accélération?

Notre stratégie de long terme a été relancée, il y a deux ans, avec la nomination d’Augustin de Romanet, PDG du Groupe ADP (Aéroports de Paris) comme nouveau président de Paris Europlace. Notre premier objectif est de consolider nos deux points de force majeurs que sont le pôle corporate et le pôle investisseur. C’est toute l’importance de la présence des grandes entreprises qui sont les clients des banques internationales et des investisseurs et sont très actives sur les marchés de capitaux à Paris. Quand on interroge le patron de JP Morgan, Jamie Dimon, sur son choix de Paris pour développer les activités de la banque américaine en Europe, il insiste beaucoup sur ce point, en plus des compétences qu’il trouve ici et de la qualité des infrastructures. Cela fait toute la différence avec Francfort, qui est plutôt une ville de banques traditionnelles ou Luxembourg, qui héberge principalement des legal entities d’asset managers. Nous sommes un business center qui regroupe tous les acteurs et une vraie Place financière « universelle ». 

Et sur le plan des investisseurs?

Le pôle investisseurs regroupe toutes les catégories, c'est-à-dire les asset managers, les investisseurs institutionnels et les sociétés d’assurance. Paris est de loin la première place de l’assurance en Europe continentale. Le poids de notre gestion d’actifs dans son ensemble représente le double de celui de l’Allemagne. Pour développer ces deux pôles, nous avons créé deux collèges auprès du Conseil de Paris Europlace. Le collège entreprises est présidé par Xavier Gire, qui est directeur exécutif et finances d’EDF. Le collège investisseurs est pour sa part présidé par Valérie Baudson, directrice générale d’Amundi.

Quelles sont les actions de Paris Europlace en faveur des enjeux climatiques?

Ces enjeux sont inclus dans notre deuxième axe stratégique qui consiste à accélérer le positionnement de Paris dans les secteurs du futur : finance durable, innovations et Fintech, financement des infrastructures. En matière de finance durable, Paris est d’ores et déjà leader mondial en matière d’ISR, de finance environnementale et tout ce qui s’est développé depuis la COP21 en 2015. En 2015, nous avons organisé le Climate Finance Day qui se déroule chaque année à Paris. En 2017, nous avons créé une entité ad-hoc qui s’appelle Finance For Tomorrow et qui regroupe nos membres les plus actifs sur ce plan S’agissant des Green Bonds, la Place de Paris représente environ 90 milliards d’euros sur les 270 milliards émis dans le monde.

"Aujourd’hui la France compte plus de 1000 Fintech dans le risk management, la finance durable, les systèmes de paiement."

Quelles sont les avancées en matière d’innovations financières ?

Nous avons identifié un fort dynamisme d’innovations financières à Paris, avec le développement qui s’accélère des Fintech. Dès 2008, nous avions créé le Pôle de compétitivité Finance Innovation, une autre branche de Paris Europlace pour fédérer ces initiatives. Aujourd’hui la France compte plus de 1000 Fintech dans le risk management, la finance durable, les systèmes de paiement. Et nous rattrapons progressivement la place de Londres. Nous accompagnons des entreprises en très forte croissance, y compris des licornes qui commencent à apparaître dans ces domaines, à l’instar de Shift Technologies, une Fintech de l’assurance. 

Nous intervenons aussi dans le domaine du financement des projets d’infrastructures où la France bénéficie d’un des meilleurs écosystèmes du monde, avec des grandes entreprises dans le domaine de l’énergie, de l’environnement, des transports. Nous avons créé l’Infra Week de Paris qui se déroule chaque année en octobre autour de ce type de financements. Nous attirons aussi des relocalisations dans ce domaine.

Le rattrapage avec Londres sur les Fintech s'opère-t-il par des développements sur place ou par des départs de Londres?

Les deux, mais clairement, les relocalisations se sont accélérées en provenance de Londres. 

Comment se porte Paris Europlace?

Nous sommes en plein développement avec une trentaine de collaborateurs au total aujourd'hui. Je rappelle que nous avons également un institut de recherche, l’Institut Europlace de Finance. Créé en 2003, il a fusionné avec la Fondation du Risque pour créer l’Institut Bachelier, qui coordonne 50 chaires de recherche à Paris. Nous avons aussi créé le fonds Emergence, pour financer de jeunes entreprises innovantes. Il vient d’atteindre le milliard d’euros d’actifs. Au final, nous sommes devenus un modèle d’organisation de place financière dans le monde.  Notre essence c’est de fédérer tous les acteurs - émetteurs, investisseurs, banques et intermédiaires financiers avec les autorités de marchés- pour développer ensemble une Place financière qui serve les objectifs de l’économie durable et de l’innovation. 

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