Depuis plusieurs années, la prise de conscience de l’érosion de la biodiversité progresse. Les risques qui y sont associés ne seront pas sans conséquence sur nos modes de vie et, plus largement, sur l’économie mondiale. Victoria Richard Weill, gérante actions globales et thématiques chez Ofi Invest Asset Management et gérante du fonds Ofi Invest Biodiversity Global Equity, décrypte les risques liés à l’érosion de la biodiversité ainsi que les opportunités liées à l’émergence de solutions.
Qu’est-ce que la biodiversité et pourquoi sa protection est-elle si cruciale ?
Le terme biodiversité représente l’ensemble du vivant : les animaux, les plantes, les champignons… mais aussi les écosystèmes dans lesquels ils vivent et toutes leurs interactions.
La nature nous rend en continu des services écosystémiques - des services indispensables aux humains : la pollinisation, l’approvisionnement en eau douce, la régulation du climat… Tout cela permet à notre société de fonctionner. Si ces services disparaissent, nous vivrons dans un monde radicalement différent.
On parle beaucoup de biodiversité en ce moment, notamment avec le retour à la Maison Blanche de Donald Trump qui veut faire marche arrière sur les énergies renouvelables et multiplier les forages (avec son fameux « Drill Baby drill »(1)). Cela suscite des inquiétudes sur la prise en compte des enjeux environnementaux, dont fait partie la biodiversité. Ce qui est certain, c’est que son érosion ne s’arrête pas parce que Donald Trump redevient président des États-Unis. Ce phénomène continue, indépendamment du contexte politique, et ses effets sont déjà visibles : dégradation de la qualité des sols, perturbations du cycle de l’eau (sécheresses, inondations…), disparition de ressources naturelles… C’est notre réalité quotidienne.
Heureusement nous ne constatons pas pour le moment de retour en arrière massif sur les mesures et les objectifs mis en place par les sociétés. Dans ce domaine l’Europe reste en avance mais doit, comme toutes les autres zones géographiques, accélérer.
De notre point de vue, les entreprises qui ne prennent pas le sujet de la préservation de la biodiversité à bras-le-corps aujourd’hui y seront tôt ou tard confrontées. Ce risque, qui n’est pas encore toujours matérialisé au niveau financier, va le devenir. Par exemple, l’impact financier peut être énorme pour une usine qui a besoin d’eau pour sa production, si cette ressource cruciale vient à manquer ou si elle est contaminée. Certaines entreprises agissent dès à présent, d’autres en prennent à peine conscience… mais toutes devront y venir.
Le risque environnemental est appelé à se transformer en véritable risque financier. C’est une dimension qu’il faut impérativement prendre en compte lorsque nous analysons une société. L’analyse financière et l’analyse extra-financière, tout particulièrement sur les aspects environnementaux, sont complémentaires. Chez Ofi Invest Asset Management, dans le fonds sur la thématique de la biodiversité, nous sélectionnons les entreprises qui gèrent le mieux leurs impacts négatifs sur la biodiversité ainsi que celles qui proposent des solutions pour la préserver.
Pour juger de la bonne gestion des impacts négatifs sur la biodiversité des entreprises, nous avons bâti un score propriétaire grâce à un panel de 70 indicateurs, rattachés aux différentes pressions qui pèsent sur la biodiversité selon l’IPBES (Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services écosystémiques) :
- Le changement d’usage des terres et des mers
- La surexploitation des ressources
- Le changement climatique
- Les pollutions
- Les espèces exotiques envahissantes et autres nuisances
Cela nous permet d’avoir une bonne vision des forces et des axes de progrès de chacune des sociétés que nous analysons et de savoir sur quoi échanger lorsque nous les rencontrons.
En effet, nous menons en parallèle un dialogue actionnarial fort : cela nous permet d’affiner notre connaissance des pratiques des sociétés et de les pousser à poursuivre leurs efforts.
Préserver la biodiversité est crucial, mais l’étape suivante, c’est de la restaurer
Même les entreprises qui gèrent aujourd’hui mieux que les autres leurs impacts négatifs sur la biodiversité ont encore beaucoup de chemin à parcourir. Ce n’est que le début. On parle beaucoup de préserver la biodiversité, mais il faut aussi penser à la restaurer. Pour l’instant, l’accent est surtout mis sur les impacts négatifs, encore peu sur la génération d’impact positif. Il reste énormément à faire. C’est un sujet complexe et il faut plus d’ambition, plus de moyens, plus de volonté. Cela passe notamment par une meilleure compréhension des enjeux liés à la biodiversité.
Le climat est un sujet très complexe mais le nombre d’indicateurs à suivre est limité : on suit principalement l’évolution des émissions de gaz à effet de serre, qu’elle soit en absolu ou en relatif. En revanche, pour la biodiversité, les indicateurs à suivre sont bien plus nombreux et variés, rendant ce sujet plus difficile à appréhender. Pourtant l’urgence est là : on estime que plus de 50 % du PIB mondial dépend directement des services rendus par la nature. Indirectement, c’est bien entendu beaucoup plus.
Investir dans la biodiversité peut être une source d’opportunités
Au-delà des entreprises, pour les épargnants, investir dans la biodiversité peut être une source d’opportunités, de performance à venir.
D’abord, les entreprises qui gèrent bien leurs impacts négatifs sont souvent mieux gérées globalement. Elles intègrent mieux les risques, et donc, elles devraient être plus résilientes et possiblement éviter des impacts financiers massifs.
Ensuite, les solutions pour protéger et restaurer la biodiversité - collecte et recyclage des déchets, biomatériaux, systèmes intelligents pour économiser l’eau ou l’énergie… - sont des services appelés à croître fortement dans les années à venir. Ces secteurs recèlent donc aussi un potentiel de performance à moyen terme.
Lien vers l'étude complète
(1) « Fore Bébé Fore »