La gouvernance durable à l’aune de la CSRD

  • Publication publiée :21 mars 2023
  • Post category:Avis d'expert
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Chronique juridique de Marie-Aude Noury, avocat au Barreau de Paris, associée, Squair A.A.R.P.I 

La directive (UE) 2022/2464 Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) du 14 décembre 2022 modifie de façon substantielle le reporting extra-financier, désormais reporting de durabilité, auquel seront soumises à terme et selon un calendrier progressif à compter du 1er janvier 2024, les grandes entreprises, les PME cotées sur un marché réglementé, ainsi que les entreprises non européennes exerçant une activité dans l’Union européenne à travers une succursale ou une filiale.

Le reporting de durabilité résultant de la directive CSRD remplacera l’actuelle déclaration de performance extra-financière et figurera dans une section dédiée du rapport de gestion, sous format digital. 

Le reporting de durabilité

Les informations à publier au titre du reporting de durabilité relèvent des trois socles de l’ESG (environnement, social et gouvernance) et sont à renseigner au regard des domaines d’information que sont la stratégie et le modèle commercial (y compris résilience par rapport aux questions de durabilité et plans climatiques), la gouvernance en matière de durabilité, les politiques de l’entreprise, la procédure de diligence raisonnable, les principales incidences négatives liées à l’activité de l’entreprise et à sa chaîne de valeur, les principaux risques  ainsi que les indicateurs clés de performances et les objectifs.  Elles sont appréhendées sous le prisme de la double matérialité, autrement dit, les incidences des questions de durabilité pour l’entreprise mais aussi l’impact des activités de l’entreprise sur les facteurs de durabilité.

Il s’agit de répondre aux besoins d’informations pertinentes, comparables et fiables en matière de durabilité, en particulier des acteurs des marchés financiers afin qu’ils puissent satisfaire eux-mêmes aux obligations de publication d’informations en matière de durabilité auxquelles ils sont soumis au titre du règlement (UE) 2019/2088 Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) du 27 novembre 2019.

Aux facteurs de durabilité du règlement SFDR, la directive CSRD ajoute les facteurs de gouvernance. Or c’est bien la gouvernance en matière de durabilité qui s’esquisse avec force dans la directive CSRD. 

Ces informations sont précisées dans les normes d’information en matière de durabilité élaborées par l’EFRAG selon une structure standardisée (European Sustainability Reporting Standards ou « ESRS ») qui seront obligatoires au sein de l’Union européenne. Actuellement transmis à la Commission européenne sous forme de projets, le premier jeu d’ESRS devrait être adopté par la Commission d’ici à juin 2023.

A travers la publication d’informations en matière de durabilité sous le prisme de la double matérialité, les entreprises seront conduites à démontrer comment elles assurent la conduite de leurs affaires vers les objectifs de durabilité.

Une gouvernance élargie

Les informations au titre des facteurs de gouvernance concernent en premier lieu le rôle des organes d’administration, de direction et de surveillance en matière de durabilité.

Le reporting de durabilité devra contenir une description du rôle des membres du conseil d’administration, de surveillance et de direction en matière de durabilité ainsi que leur compétence ou expertise en ce domaine ou la possibilité de l’acquérir. Devront être également publiés les mécanismes d’incitation liés aux questions de durabilité des membres du conseil d’administration, de surveillance et de direction, rejoignant la recommandation du Code AFEP-MEDEF. La directive CSRD étend la responsabilité collective des organes d’administration, de direction et de surveillance en matière d’états financiers et de rapport de gestion aux informations en matière de durabilité qui y seront contenues. Elle confère au comité d’audit un rôle particulier concernant l’intégrité, le suivi (y compris digitalisation et balisage) et l’audit (sous la forme d’une assurance limitée au départ) de l’information en matière de durabilité, tout en ouvrant la possibilité aux Etats membres de permettre au conseil d’administration ou de surveillance d’exercer ce rôle collectivement ou par un comité spécialisé. 

Les facteurs de gouvernance à renseigner au titre du reporting de durabilité visent, au-delà du rôle des organes d’administration, de surveillance et de direction, les systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de l’entreprise, l’éthique des affaires et la culture de l’entreprise (notamment la lutte contre la corruption), les engagements politiques de l’entreprise (y compris le lobbying), la gestion et la qualité des relations avec les partenaires commerciaux.

Les informations en matière de durabilité au titre des facteurs de gouvernance sont précisées dans le projet d’ESRS G1 Business Conduct ainsi que le projet ESRS 2 General Disclosures.

Il s’agit d’une gouvernance élargie.

La directive CSRD, en imposant des obligations de publication avec une détail avancé dans les ESRS, semble franchir les limites ténues vers des obligations substantielles. Concernant la question débattue du « say on climate », l’AMF s’appuie d’ailleurs sur les exigences du nouveau reporting de la directive CSRD en matière de publication de stratégie et plans climatiques pour inviter les entreprises cotées à renforcer leur communication sur leur stratégie climatique et à la présenter à l’assemblée générale sous la forme d’un point à l’ordre du jour avec débat.

Afin de satisfaire à leurs obligations de reporting, les entreprises seront conduites à repenser leur modèle de gouvernance et leur stratégie à l’aune de la durabilité. Cette question est également au cœur de la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance.

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