Le Listing Act : bientôt une réalité ?

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Destiné à encourager la cotation en Bourse des entreprises, le Listing Act s'articule autour de trois volets principaux. Chronique juridique de Marie-Aude Noury, avocat au Barreau de Paris, associée, Squair A.A.R.P.I.

La proposition de la Commission européenne sur un nouveau Listing Act [1] européen a recueilli l’accord provisoire du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen le 14 février 2024[2].

S’inscrivant dans la poursuite de l’union des marchés des capitaux, le Listing Act ambitionne de réduire les formalités administratives et les coûts inutiles pour les entreprises lors des phases d’introduction en bourse et post introduction, en vue d’encourager, en particulier les petites et moyennes entreprises, à se faire coter et les entreprises cotées à le rester.

Une triple ambition

Le Listing Act s’articule autour de trois volets principaux avec des règles nouvelles pour le prospectus en cas d’offre au public ou de cotation, les abus de marché, la recherche et les actions à droit de vote multiple. Les modifications envisagées conduiront à une modification de la règlementation européenne existante (en particulier règlement européen 2017/1129 sur le prospectus (Règlement Prospectus), règlement européen 596/2014 sur les abus de marché (Règlement Abus de Marché), directive MIF II 2014/65) ainsi qu’à l’adoption d’une nouvelle directive sur les actions à droit de vote multiple. Nous nous attacherons essentiellement aux modifications actuellement envisagées au Règlement Prospectus qui ont un peu évolué depuis la proposition initiale de la Commission en 2022, avant de rappeler brièvement les autres volets.

Règlement Prospectus

La proposition de règlement retient désormais un système de double seuil concernant la dispense de prospectus au titre des offres au public en raison du montant. Un seuil principal relevé à 12 millions d’euros par émetteur sur une période de 12 mois (contre 8 millions aujourd’hui), en laissant cependant la possibilité pour chaque Etat membre d’opter pour un seuil de 5 millions d’euros et de prévoir la mise à disposition du public d’un document correspondant ou équivalent au résumé d’un prospectus.

Les émissions secondaires - autrement dit, les émissions subséquentes de titres fongibles avec des titres déjà admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché de croissance PME - ne donneraient pas lieu à la publication d’un prospectus lorsque l’offre ou l’admission représente, sur une période de 12 mois, moins de 30% des titres déjà admis aux négociations sur le même marché. Actuellement, l’exemption ne vaut que pour l’admission de titres sur un marché réglementé et à hauteur de 20%. La proposition conduirait donc à relever ce seuil et à faire jouer l’exemption de prospectus tant pour l’admission que pour l’offre au public des titres. Cependant, concernant l’exemption de prospectus au titre d’une offre au public, elle est conditionnée, d’une part, au fait que l’émetteur n’est pas en procédure collective ou restructuration, et d’autre part, à la transmission d’un document abrégé à l’autorité de supervision compétente (en France, l’AMF) contenant les informations prévues à l’Annexe IX de la proposition de règlement ainsi qu’à sa mise à disposition du public. Ce document abrégé ne ferait pas l’objet d’une approbation par l’autorité compétente et contiendrait en particulier une déclaration de l’émetteur sur son respect de ses obligations d’information.

Des exemptions de prospectus sont prévues lorsque l’émetteur est connu du marché depuis un certain temps et dans la mesure où les informations souhaitées sont déjà publiques et disponibles au titre de ses obligations d’information.

Ainsi, les émissions secondaires d’un émetteur dont les titres ont été négociés pendant plus de 18 mois sur un marché réglementé ou un marché de croissance PME ne donneraient pas lieu à la publication d’un prospectus sous condition que l’émetteur transmette à l’autorité de supervision compétente et mette à la disposition du public le document abrégé prévu à l’Annexe IX mentionné ci-dessus. Cette exemption de prospectus vaudrait, selon le cas, pour l’offre au public ou l’admission aux négociations sur un marché réglementé. Elle ne serait pas ouverte en cas d’offre publique d’acquisition par voie d’offre publique d’échange, de fusion ou de scission ou si l’émetteur fait l’objet d’une procédure collective ou de restructuration.

Par ailleurs, en particulier dans l’hypothèse où les titres ne sont pas fongibles avec les titres déjà cotés, ces mêmes émetteurs dont les titres ont été négociés pendant plus de 18 mois aux négociations sur un marché réglementé ou un marché de croissance PME pourront établir un prospectus d’émission subséquente (EU Follow-on prospectus) qui a vocation à remplacer l’actuel prospectus simplifié et qui ne devra pas dépasser 50 pages lorsqu’il est relatif à des actions.

Les autres modifications s’attachent notamment à la forme, la taille et la clarté du prospectus et de son résumé, pour lesquels des standards techniques et des guidelines de l’ESMA seront établis. Elles intègrent également dans le Règlement Prospectus les aspects ESG liés en particulier au règlement sur les obligations vertes européennes et à la taxinomie ainsi que le prospectus d’émission sur un marché de croissance (EU Growth Issuance Prospectus).

Les autres volets

La Directive MIF II serait modifiée notamment concernant la recherche sponsorisée conforme à un code de conduite européen et l’exigence d’un free float à 10% pour la cotation sur le marché réglementé, tout en permettant aux Etats membres de prévoir des mesures alternatives. Le Règlement Abus de Marché serait révisé notamment sur la définition de l’information privilégiée pour les processus à étapes ainsi que sur le seuil des transactions des dirigeants qui serait relevé. Enfin, une proposition de Directive aurait pour objet d’introduire les actions à droit de vote multiple.

En cas d’adoption de cette proposition par le Parlement européen en première lecture et d’adoption subséquente par le Conseil, le Listing Act serait adopté.

Dans un contexte d’attrition de la cote en raison de la faiblesse du nombre des introductions en bourse conjuguée à la persistance des opérations de retrait, il est à espérer que ces nouvelles mesures permettront un regain d’attractivité des marchés de capitaux.

[1] Proposition de la Commission européenne du 7 décembre 2022, incluant un règlement modifiant le Règlement Prospectus et le Règlement Abus de Marché, une directive modifiant la Directive MIF II et une directive relative aux actions à droit de vote multiple

[2] Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux, et abrogeant la directive 2001/34/CE et Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2017/1129, (UE) 596/2014 et (UE) 600/2014 afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux, 14 février 2024 ; Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil sur les structures avec actions à votes multiples dans les entreprises qui demandent l’admission à la négociation de leurs actions sur un marché de croissance des PME, 14 février 2024

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