Paquet Omnibus : vers une simplification des obligations européennes en matière de durabilité

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Ces dernières années, l'Union européenne a progressivement construit un cadre réglementaire européen pour répondre à la nécessité croissante de transparence et de responsabilité en matière de durabilité des entreprises.  Face à ces nouvelles réglementations, certaines entreprises ont exprimé des préoccupations, soulignant qu'elles se retrouvaient confrontées à des contraintes réglementaires excessives, complexes et coûteuses à mettre en œuvre[4].

L’objectif du paquet « Omnibus » est de répondre à ces préoccupations et de concilier l'ambition de l'Union européenne en matière de transition durable avec le renforcement de la compétitivité des entreprises européennes.

Les propositions concernant la réglementation CSRD

Rappelons que la directive européenne CSRD a pour objectif d’imposer aux entreprises assujetties de publier des informations détaillées sur leurs risques et opportunités en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance ainsi que sur les impacts de leurs activités sur l’environnement et la société. Les principales modifications envisagées par le paquet « Omnibus » sur la directive CSRD sont les suivantes :

  • Champ d’application limité : avec l’adoption du paquet « Omnibus », ne seront désormais assujetties que 10.000 entreprises, soit celles dépassant deux des trois seuils suivants : 1.000 salariés, chiffre d’affaires net de 50 millions d'euros, total du bilan de 25 millions d'euros. La Commission européenne entend ainsi réduire d’environ 80% le nombre d’entreprises concernées par CSRD.

Jusqu’à présent, rappelons que CSRD avait un champ d’application très large avec près de 45.000 entreprises visées dont les PME cotées[5]. Notons que les mesures Omnibus prévoient néanmoins que les entreprises non assujetties (notamment les PME) pourront toujours, sur une base volontaire, établir un reporting extra-financier selon un cadre spécifique.

  • Report de 2 ans du calendrier d’application : le paquet « Omnibus » propose également de reporter de 2 ans l’entrée en application des obligations de publication d’informations auxquelles sont soumises les entreprises n’ayant pas encore commencé à mettre en œuvre CSRD. Les entreprises qui auraient dû être soumises à CSRD dès 2026 (vague 2) et 2027 (vague 3) ne le seront donc qu’à compter de 2028 et 2029 (étant précisé que si le texte est voté en l’état, les entreprises des vagues 2 et 3 ne seront finalement plus concernées par CSRD).
  • Simplification des normes de reporting de durabilité (ESRG[6]) : les nouvelles mesures entendent réduire substantiellement le nombre d’ESRG, de les clarifier et d’améliorer la cohérence avec d’autres actes législatifs. Le paquet « Omnibus » entend également supprimer les normes dites « sectorielles » pour réduire la charge pesant sur les entreprises quant aux nombres de données à publier.
  • Mise en place d’un « bouclier » pour les sociétés non assujetties à CSRD : actuellement, de nombreuses entreprises (et notamment les PME), non incluses dans le périmètre de la CSRD, font l’objet de demandes d’informations en matière de durabilité lorsqu’elles sont incluses dans la chaîne de valeur des entreprises assujetties à CSRD. Cela génère des coûts importants pour les PME et conduit parfois à des demandes de publications d’informations excessives. Afin de remédier à ces conséquences négatives, la Commission européenne propose de mettre en place un « bouclier » qui encadrera les informations pouvant être demandées à ces PME.

Les propositions concernant la réglementation CS3D

Rappelons que l’objet de la directive européenne CS3D sur le devoir de vigilance est de prévenir et d’atténuer l’impact négatif de l’activité des grandes entreprises européennes, de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux sur les droits humains et environnementaux. Les principales modifications du paquet « Omnibus » sur la directive CS3D sont les suivants : 

  • Report de la date de transposition et d’application de la directive : afin de donner davantage de temps aux entreprises pour se préparer aux obligations CS3D, la Commission européenne propose de reporter d’un an tant (i) la transposition de la directive (de juillet 2026 à juillet 2027) que (ii) la première phase d’application des exigences en matière de devoir de vigilance (de juillet 2027 à juillet 2028)[7].
  • Allégement des obligations de vigilance : jusqu’à présent, CS3D prévoit que les entreprises assujetties doivent évaluer, au moins une fois par an, les incidences négatives survenant, ou susceptibles de survenir, dans leurs chaînes de valeur, à savoir au sein de l’ensemble de leurs partenaires commerciaux. En cas d’incidences négatives graves, la directive exige des entreprises qu'elles mettent fin à leur relation commerciale (mesure dite de « dernier recours »). 

Le paquet « Omnibus » propose de (i) limiter l’obligation de vigilance aux partenaires commerciaux « directs », sauf dans le cas où l’entreprise dispose d’informations plausibles laissant entendre que des incidences négatives sont survenues ou pourraient survenir au niveau du partenaire « indirect » ; (ii) limiter les informations pouvant être demandées à certaines entreprises (PME et petites entreprises à moyenne capitalisation), sur le modèle du « bouclier » CSRD ; (iii) passer de 1 an à 5 ans la périodicité des évaluations ; et (iv) remplacer l’obligation pour les entreprises de mettre fin à leurs relations commerciales en cas d’incidence négative grave de leurs partenaires par la suspension temporaire des relations commerciales, qui devient ainsi la solution de dernier recours.

  • Suppression du régime harmonisé de responsabilité civile dans l’UE : CS3D prévoyait enfin d’instaurer un régime harmonisé de responsabilité civile en matière de devoir de vigilance. Le paquet « Omnibus » ne retient plus une telle solution puisque les entreprises seront soumises aux régimes prévus par chaque Etat-Membre.

En France, rappelons que le régime de responsabilité des entreprises en matière de vigilance est prévu aux articles L 225-102-1 et L 225-102-2 du code de commerce. Conformément à ces articles, le tribunal judiciaire de Paris, exclusivement compétent, peut enjoindre une entreprise de se conformer à ses obligations et/ou condamner l’entreprise à réparer le préjudice que l’exécution de ses obligations aurait permis d’éviter. A cet égard, la chambre spécialisée sur le devoir de vigilance du tribunal judiciaire de Paris a rendu le 13 février 2025 sa première décision en matière de devoir de vigilance.

Compte tenu de l’impact positif que ces propositions pourraient avoir pour les entreprises françaises et européennes, la Commission européenne a appelé de ses vœux un traitement prioritaire du paquet « Omnibus ». Reste désormais à savoir si le Parlement et le Conseil européen adopteront en l’état les mesures proposées.

[1] COM (2025) 81 sur le fond et COM (2025) 80 sur les dates de transposition et d’application.

[2] Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

[3] Directive (UE) 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859.

[4] Voir notamment le rapport dit « Draghi » publié en septembre 2024 : Comm. UE, Rapport Draghi sur la compétitivité européenne, 9 sept. 2024.

[5] CSRD a initialement vocation à s’appliquer aux PME dont les titres sont cotés sur un marché réglementé de l’Union européenne ainsi qu’à toutes les entreprises dépassant deux des trois seuils suivants : 250 salariés, chiffres d’affaires net de 50m€, total du bilan de 25m€.

[6] European Sustainability Reporting Standards.

[7] Notons que :

  • à compter de juillet 2028, seules les entreprises de plus de 3.000 salariés réalisant un chiffre d’affaires mondial net de plus de 900m€ (ainsi que les entreprises de pays tiers dont le chiffre d’affaires dans l’Union est supérieur à 900m€) seront concernées ;
  • à compter de juillet 2029, seront concernées les entreprises de plus de 1.000 salariés réalisant un chiffre d’affaires net mondial de plus de 450m€ (ainsi que les entreprises de pays tiers dont le chiffre d’affaires dans l’Union est supérieur à 450m€).

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