L’application de la directive « Women on boards » sous surveillance de l’AMF

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Chronique juridique de Muriel Goldberg-Darmon, docteur en Droit, avocate associée du cabinet Cohen & Gresser, Guillaume Guérin et Pierre Wolman, avocats du cabinet Cohen & Gresser.

La transposition de la directive « Women on boards » vient d’être complétée par la désignation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) comme l’autorité compétente pour analyser et surveiller l’équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées.

Rappelons que les dispositions de la directive « Women on boards » imposent une proportion minimum de femmes et d’hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées[1], dont le respect était d’ores et déjà assuré en droit français par les dispositions de la loi n°2011-103 du 27 janvier 2011, dite « Copé-Zimmermann ». Le régime français a néanmoins été modifié et complété afin d’assurer une transposition intégrale de la directive « Women on boards ».

La mission de surveillance de l’AMF confiée par le législateur

La transposition de la directive (UE) n°2022/2381 du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées, dite « Women on boards », a été réalisée par l’ordonnance du 15 octobre 2024.

Initialement, la désignation de l’autorité compétente pour superviser le respect de ses règles était censée intervenir par voie de décret. La loi du 30 avril 2025 dite « DDADUE » (Dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne) vient de modifier cette modalité de désignation et a expressément confié à l’AMF les missions « d'analyser, de surveiller et, en lien avec le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, de promouvoir et de soutenir l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils et les directoires des sociétés remplissant les conditions de seuil » de la directive « Women on boards ».

A ce titre, l’AMF devra publier et mettre régulièrement à jour une liste des sociétés cotées qui respectent les règles d’équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées.

Ce pouvoir de surveillance et de promotion, directement confié par le législateur à l’AMF, témoigne de l’importance constante accordée à ce sujet.

Les obligations préexistantes du régime français

La France disposait déjà du régime bien connu de la loi précitée dite « Copé-Zimmermann », dont le champ d’application a été élargi[2] et la sanction alourdie[3] au fil des années.

Le champ d’application du régime français est plus large que celui de la directive « Women on boards », s’appliquant non seulement (i) aux sociétés françaises, cotées ou non cotées, dépassant les seuils de 250 salariés et un montant net de chiffre d’affaire ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros, mais également (ii) à toutes les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, indépendamment desdits seuils.

Chaque conseil d’administration ou de surveillance de ces sociétés françaises doit être composé d’une proportion de membres de chaque sexe d’au moins 40%, étant précisé que lorsque le conseil est « composé au plus de huit membres, l'écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux ».

La sanction est lourde de conséquence. D’une part toute nomination d’un administrateur intervenue en violation de ces dispositions est nulle, avec le risque d’entraîner la nullité des délibérations postérieures du conseil. D’autre part, le versement de la rémunération de tous les membres du conseil est suspendu. Dans ces conditions, le régime français est respecté scrupuleusement par les sociétés concernées.

Les apports du nouveau régime unifié européen

La directive « Women on boards » apporte deux séries de modifications au régime français.

D’une part, les sociétés cotées sur un marché réglementé dépassant certains seuils[4], devront respecter à compter du 1er janvier 2026 les obligations complémentaires suivantes :

  • insérer une information spécifique sur le respect des proportions dans leur rapport sur le gouvernement d’entreprise ;
  • communiquer ces informations à l’AMF et les publier sur leur site internet ;
  • avoir recours à une procédure de sélection spécifique lorsque la composition de leur conseil d'administration ne respecte pas les exigences d'équilibre entre les sexes ;
  • dans les (rares) sociétés à conseil de surveillance et directoire, la mise en place d’objectifs quantitatifs visant à l’amélioration de la représentation équilibrée des femmes et les hommes à l’occasion du renouvellement du directoire.

D’autre part, toutes les catégories d’administrateurs seront concernées. A compter du 1er janvier 2027, le régime français imposera que :

  • les administrateurs représentant les salariés actionnaires, désignés par l’assemblée générale, soient pris en compte pour apprécier le seuil de 40% précité, et
  • les administrateurs représentant des salariés, formant un sous-ensemble séparé, appliquent en leur sein des règles d’équilibre entre les femmes et les hommes selon des modalités à déterminer par décret.

En pratique, la progression de la représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40 et du SBF 120 s’est poursuivie au fil des ans, atteignant respectivement 47,7 % et 46,6 % des membres[5]. Cette moyenne qui va bien au-delà du minimum légal souligne l’importance de la mixité pour les investisseurs notamment au regard de son impact sur la performance des entreprises[6].

[1] La directive « Women on boards » impose soit une proportion de 40% des membres de chaque sexe parmi les administrateurs non exécutifs (i.e. équivalent au régime français préexistant), soit 33% des membres de chaque sexe parmi les administrateurs exécutifs et non-exécutifs.

[2] Cf. loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

[3] Cf. loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dite « PACTE ».

[4] A savoir les sociétés cotées sur un marché réglementé de plus de 250 salariés et ayant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros et/ou un total de bilan de 43 millions d’euros.

[5] Baromètre de la mixité des instances dirigeantes IFA - Ethics & Boards, 3ème édition, mars 2025.

[6] Cf. Communiqué AMF du 12 mai 2025.

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