La Commission des sanctions avait infligé à la société de trading allemande et à son dirigeant, Thorsten Wagner, une amende de 1,2 million d’euros chacun pour avoir manipulé le cours d’un produit dérivé d’Eurex sur les OAT. Devant la Cour d’appel, les mis en cause entendent contester la compétence de l’autorité de surveillance française pour des faits commis en Allemagne sur un marché allemand.
La société allemande Global Derivative Trading et son dirigeant Thorsten Wagner contestent la sanction que l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) leur avait infligée le 28 mai. Ils ont déposé cet été un recours devant la Cour d’appel de Paris.
Techniquement, il ne s’agit pas d’un appel, mais d’un recours car le jugement sera rendu devant une autre juridiction que l’AMF, autorité administrative indépendante.
La société Global Derivative Trading et Thorsten Wagner ont également déposé devant la cour d'appel une “requête aux fins de sursis à exécution de la décision de la commission du 28 mai 2021”, de façon à demander la suspension du versement de l’amende.
Ordres leurres
La Commission des sanctions les avait condamnés à verser 1,2 million d’euros chacun, au motif qu’ils avaient manipulé le cours d’un contrat à terme sur OAT (les Obligations Assimilables du Trésor français) en 2015.
L’organe de jugement de l’autorité de tutelle reproche à Global Derivative, basée à Lehrte en Allemagne et à Thorsten Wagner d’avoir émis des ordres leurres à de très nombreuses reprises et pour des quantités significatives sur des contrats à terme d’Eurex (filiale de Deutsche Boerse) ayant pour sous-jacent des obligations assimilables du Trésor (FOAT-Futures OAT) français. Passés entre le 1er juillet et le 13 octobre 2015, ces ordres étaient, selon la Commission, de nature à créer une confusion sur la réalité de l’offre et de la demande, avant d’être annulés.
“La Commission a estimé en outre que les interventions de la société caractérisaient, pour 207 séquences sur le FOAT, une manipulation de cours dès lors que ces interventions lui assuraient une position dominante dans le carnet d’ordres ayant eu pour effet la création de conditions de transaction inéquitables”, expliquait-elle dans sa décision.
Opérations réalisées en Allemagne
Devant la Cour d’appel, les mis en cause n’entendent pas entrer dans le détail de l’affaire, mais seulement contester la compétence de l’AMF, s’agissant d’une société allemande, de faits commis en Allemagne, sur des produits listés en Allemagne. L’argument avait déjà été développé par la défense en première instance :
“Les mis en cause soutiennent que la commission des sanctions n’est pas compétente pour connaître d’opérations portant sur le FOAT qui ont été exclusivement réalisées en Allemagne dès lors que le FOAT n’est pas, contrairement à ce que soutiennent les enquêteurs, un instrument financier lié au sens de l’article L. 621-15, II, c) du code monétaire et financier.”
“Les mis en cause déduisent, par ailleurs, de l’article 10 de la directive 2003/6/CE sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché et de l’article 22 du règlement MAR que, le FOAT étant coté sur Eurex, l’AMF n’est compétente que pour sanctionner d’éventuels manquements commis en France, ce qui n’est pas le cas de ceux reprochés aux mis en cause”.
La Commission des sanctions avait au contraire fait valoir que : “Les contrats FOAT en cause devaient être considérés comme des instruments financiers liés à l’obligation souveraine française sous-jacente, négociée sur les plateformes supervisées par l’AMF et avec laquelle ces contrats partagent un fort coefficient de corrélation.”
Comparaison avec Morgan Stanley
Cette affaire a été comparée à une autre sanction prononcée par l’AMF à l’encontre de Morgan Stanley pour des faits également commis en 2015.
Le 4 décembre 2019, la même Commission avait prononcé une sanction de 20 millions d’euros à l'encontre de la banque américaine pour avoir, le 16 juin 2015, manipulé le cours de 14 obligations assimilables du Trésor (OAT) français et de 8 obligations linéaires belges (OLO), ainsi que le cours d’un contrat à terme sur OAT.
Dans ce cas, il était question des emprunts d'Etat eux-mêmes et pas seulement de produits dérivés, comme dans le cas de Global Derivative Trading.
Morgan Stanley avait fait appel de la sanction sans obtenir gain de cause.
Concernant Global Derivative, le jugement de la Cour d’appel est attendu dans le courant du premier semestre 2022. Dans le cas où la sanction de l’AMF était confirmée, les mis en cause pourraient déposer un pourvoi en cassation. La Commission des sanctions pourrait en faire autant dans le cas où son jugement était invalidé.