Contrats de liquidité : les professionnels appellent l’AMF à ignorer le désaveu européen

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Le régulateur français se heurte à l’intransigeance de l’autorité de surveillance européenne (ESMA) sur une pratique très répandue sur les marchés financiers en France. L’AMF répondra à l’avis négatif de l’ESMA avant la fin du mois.

L’AMF va t-elle ignorer l’avis négatif de l’ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers, sur les contrats de liquidités, comme le lui demandent les professionnels?

L’AMAFI souhaite bien sûr que l’AMF maintienne sa position sans prise en compte de l’avis de l’ESMA”, a déclaré la semaine dernière l’association française des marchés financiers, qui compte 153 membres et regroupe plus de 10.000 professionnels.

Elle réagissait à une communication de l’ESMA qui avait invalidé le nouveau cadre de fonctionnement des contrats de liquidité français applicable au 1er juillet tel qu’il lui avait été notifié par l’autorité de surveillance française le 31 mars. Un avis toutefois “non contraignant”, qui faisait suite à d’autres avis négatif du même régulateur, notamment en 2018.

Avis favorables de l’ESMA en Espagne et en Italie

Conclus entre un émetteur et un prestataire de services d’investissement, les contrats de liquidité visent à favoriser la liquidité des actions de cet émetteur, c’est-à-dire la capacité à en acheter ou à vendre en toutes circonstances.

Ces contrats ont fait leur preuve depuis longtemps en France. Ils sont même pratiqués pour près de 70 % de la cote d’Euronext Paris. 

Les grandes lignes du dispositif ont été définies dès 2001, avant d’être réajustées au fil des années, et pour la dernière fois, dans cette dernière mouture proposée par l’AMF mais rejetée par l’ESMA.

De tels contrats de liquidité existent également en Espagne et en Italie, mais dans une moindre mesure et sans avoir reçu d’avis négatifs de l’ESMA. Dans d’autres pays, la liquidité des titres est plutôt assurée par des teneurs de marché spécialisés.

L'ESMA considère que la nouvelle pratique de marché admise, applicable à partir du 1er juillet 2021, remplaçant l'actuelle pratique de marché sur les contrats de liquidité, applicable depuis le 1er janvier 2019, n'est pas compatible avec le règlement sur les abus de marché (MAR) et le règlement d'application correspondant, et qu'elle s'écarte également de l'avis de l'ESMA de 2017 sur les points de convergence”, a indiqué l’autorité européenne.

Par pratique de marché admise (PMA), il faut comprendre un usage reconnu que le régulateur a validé conformément aux textes en vigueur.

L’autorité de tutelle française est soumise à une obligation de réponse sous deux mois. Elle fait savoir que le sujet sera inscrit à l’ordre du jour d’un prochain collège du régulateur, son principal organe de décision, et qu’une réaction interviendra avant que le cadre actuel ne vienne à échéance, c’est-à-dire avant la fin du mois.

Pertinence des contrats de liquidité français

L’AMF peut maintenir la PMA telle qu’elle l’a déjà proposée, la modifier ou bien l’aligner en tenant compte de l’avis de l’ESMA.

En cas de maintien, l’ESMA lui demande néanmoins de se justifier sur son site Internet et d’expliquer pourquoi la pratique de marché “ne constitue pas une menace pour la confiance du marché”. 

Dans une étude rendue publique fin avril, qui inclut la période de forte volatilité du début de la crise sanitaire,  l’AMF avait tenté de démontrer la pertinence des contrats de liquidité tels qu’ils existent en France : “L’analyse statistique et économétrique montre que les contrats de liquidité permettent d’améliorer les spreads (écarts entre les prix d’achat et de vente, ndlr) affichés ainsi que l’impact prix des transactions pour l’ensemble des titres quoique plus sensible pour les titres non liquides que pour les liquides et très liquides. Nous avons constaté, par ailleurs, que les contrats de liquidité viennent améliorer les spreads affichés des titres liquides et très liquides en période de stress de marché, sans déclencher une seule de nos alertes abus de marché”.

L’AMF avait également fait valoir qu’elle dispose des meilleurs outils possibles pour assurer cette surveillance des marchés.

Des arguments qui n’ont visiblement pas convaincu l’ESMA dont l’intransigeance intrigue et ne témoigne pas d’une excellente entente entre autorités de surveillance censées agir conjointement pour l’Union des marchés de capitaux.

En attendant la réponse de l’AMF, l’AMAFI s’est montrée particulièrement virulente dans son communiqué, n’hésitant pas à mettre en doute l’expertise de l’autorité européenne.

Incompréhensible et regrettable

L’’ESMA ignore de façon incompréhensible, non seulement les analyses extrêmement documentées sur lesquelles l’AMF s’est appuyée, mais également l’attention portée par l’AMF à la prévention et la répression des abus de marché”.

Et de poursuivre : “L’’ESMA adopte une fois de plus une position dogmatique, bien loin du pragmatisme fondé sur des analyses raisonnées qui devrait présider à l’exercice de ses missions. Au-delà de la question des contrats de liquidité, cette approche est d’autant plus regrettable qu’elle alimente et justifie la défiance quant à l’opportunité d’étendre les pouvoirs d’une autorité qui n’a toujours pas fait la preuve de son expertise et de sa capacité à répondre avec pragmatisme aux enjeux auxquels sont confrontés émetteurs, investisseurs et acteurs des marchés européens.

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