Contrats de liquidité : deux poids, deux mesures?

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Le rapport annuel de l’ESMA rappelle cette semaine que les contrats de liquidité à l’italienne ont obtenu un avis positif contrairement à la pratique française invalidée il y a deux semaines. L’autorité de surveillance attribue cette différence d’appréciation à une question de proportion et de limites. L’impact de l’avis négatif européen reste incertain pour les acteurs de la place de Paris.

L’AMF a-t-elle été traitée injustement par l’ESMA qui a rendu un avis négatif sur la pratique des contrats de liquidités à la française le 31 mai dernier? La question se pose alors qu’un dispositif analogue en vigueur en Italie a été validé en 2020 par l’autorité européenne des marchés financiers.

Engagement spécifique de la Consob

Publié cette semaine, le rapport annuel du régulateur européen le rappelle au paragraphe consacré aux pratiques de marché admises dans la partie "market integrity" :

Le 31 janvier 2020, l'ESMA a émis un avis positif sur une proposition de pratique de marché admise sur les contrats de liquidité notifiée par la Consob (le régulateur italien, ndlr). L'ESMA a considéré que la pratique de marché de la Consob contenait divers mécanismes visant à limiter la menace pour la confiance du marché en ce qui concerne les contrats de liquidité, notamment l'engagement spécifique de la Consob à renforcer la supervision de ces contrats”, indique l’ESMA.

Pratique de marché admise signifie que le régulateur national a validé un usage de marché, conformément aux textes en vigueur.

En septembre 2019, un avis positif avait également été rendu au dispositif de contrats de liquidité proposé par le régulateur espagnol.

Conclus entre un émetteur et un prestataire de services d’investissement, les contrats de liquidité, très répandus sur la place de Paris, visent à favoriser la liquidité des actions de cet émetteur.

Fin mai, le régulateur français avait en revanche essuyé un refus sans équivoque :

L'ESMA considère que la nouvelle pratique de marché admise, applicable à partir du 1er juillet 2021, remplaçant l'actuelle pratique de marché sur les contrats de liquidité, applicable depuis le 1er janvier 2019, n'est pas compatible avec le règlement sur les abus de marché (MAR) et le règlement d'application correspondant, et qu'elle s'écarte également de l'avis de l'ESMA de 2017 sur les points de convergence”, avait indiqué l’autorité européenne.

Plusieurs points de préoccupation

Interrogée par Finascope, l’ESMA explique cette différence de traitement par la proportion et les limites du dispositif français : “Dans son évaluation, l'ESMA a identifié plusieurs points de préoccupation. Il s'agit de l'absence de limites sur les positions et de la présence de limites de volume et de ressources qui sont significativement plus élevées que celles recommandées dans l'avis de l'ESMA de 2017 sur les points de convergence. Sur cette base, l'ESMA a émis un avis négatif.”

Côté italien, l’ESMA semble plutôt mettre en avant une certaine bonne volonté du régulateur  :

Dans le cas de Consob, l'ESMA avait également identifié plusieurs points de préoccupation. Toutefois, l'ESMA a conclu que la pratique de marché admise de la Consob était compatible avec l'article 13(2) MAR (règlement sur les abus de marché) et avec le RDC 2016/908 et contenait divers mécanismes visant à limiter la menace pour la confiance du marché en ce qui concerne les contrats de liquidité, y compris l'engagement spécifique de la Consob à renforcer la surveillance de ces contrats”.

L’AMF qui a deux mois pour répondre, doit réagir avant la fin juin, soit avant que le régime actuel ne vienne à échéance.

Que se passerait-il devant un juge européen?

Si cet avis est non contraignant, les conséquences pour les acteurs de la place de Paris demeurent incertaines. Après un communiqué très virulent publié dans la foulée de la décision de l’ESMA, les professionnels s’abstiennent en attendant le résultat des courses. Silence radio du côté de l’Amafi, association des marchés financiers.

Un acteur de la place, qui préfère rester anonyme, estime néanmoins que l’avis négatif de l’ESMA peut constituer un fâcheux précédent, quel que soit le contenu de la réaction de l’AMF. Il espère une solution de compromis :  “Cette affaire symbolise le basculement qui s’est opéré au niveau européen en 2016 avec le règlement abus de marché qui s’est uniformément imposé à tous les pays. La France et l’AMF ont toujours essayé de défendre cette pratique de marché mais, en cas de recours, l’avis négatif de l’Esma pourrait peser lourd devant un juge européen”.

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