Les SPAC sont les bienvenus en France

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L'Autorité des marchés financiers rappelle que le droit français est tout à fait adapté à l’accueil de ces structures à la Bourse de Paris ainsi qu’à la protection des investisseurs. Robert Ophèle a évoqué le sujet lors de la présentation du rapport annuel 2020 en affichant une bienveillance prudente. La SEC vient d'émettre quelques réserves aux Etats-Unis.

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) s’inscrit dans la démarche de place en faveur des SPAC, en publiant un communiqué encourageant.

Rappelons que ces prometteuses Special Purpose Acquisition Companies sont des sociétés dépourvues d’activité commerciale, qui entrent en Bourse pour financer l’acquisition d’une ou plusieurs entreprises non cotées pas encore connues des investisseurs à la date de l’introduction. Les investisseurs signent une sorte de chèque en blanc aux fondateurs, des personnalités qui ont déjà fait leur preuve et en qui ils ont confiance. Les investisseurs disposent toutefois d'un droit de regard ou de vote sur l'investissement réalisé. Faute d'acquisition dans le délai prévu (18 à 24 mois), l'argent placé leur est restitué.

L’AMF se réjouit

L’AMF se réjouit, avec l’ensemble de la Place de Paris, de pouvoir accueillir ces projets, témoignant et participant de l’attractivité des marchés financiers en France”, conclut même le texte du régulateur.

L’AMF rappelle ainsi que le cadre réglementaire français est tout à fait adapté à ces structures innovantes, tout en assurant la protection des investisseurs. D’ailleurs, deux SPAC ont été introduits sur le compartiment professionnel d’Euronext Paris ces dernières années, indique-t-elle, ajoutant que les deux opérations avaient obtenu un visa de l’AMF. Le gendarme boursier fait ici référence à Mediawan et 2MX, lancées par Xavier Niel et Matthieu Pigasse.

Il est vrai que ces structures sont déjà beaucoup plus populaires outre-Atlantique, au point que certains experts parlent volontiers d’embouteillage et qu’elles constituent la majorité des introductions en Bourse réalisées actuellement à Wall Street.

Plusieurs dispositifs

Au titre des diverses possibilités offertes par le droit français, l’AMF cite les dispositifs suivants : 

  • le régime des actions de préférence permet de créer des actions aux droits spécifiques et de différencier, dans le cadre d’un SPAC, les actions souscrites par les fondateurs et sponsors de celles offertes aux investisseurs ;
  • l’émission d’actions de préférence rachetables au bénéfice des investisseurs permet à ces derniers, sous certaines conditions, de se faire racheter leurs actions par le SPAC s’ils ne souhaitent pas rester actionnaires de la société postérieurement à la réalisation de l’opération d’acquisition initiale (Initial Business Combination ou IBC) ;
  • les bons de souscription d’actions (BSA) permettent aux investisseurs d’acquérir ultérieurement des actions à un prix prédéterminé et de profiter par conséquent de l’éventuel succès de la société postérieurement à l’IBC ;
  • la possibilité de procéder à des émissions de BSA et à des augmentations de capital réservées à une catégorie de personnes offre au SPAC la souplesse nécessaire pour lever des fonds complémentaires qui seraient nécessaires pour financer l’IBC ;
  • le SPAC peut mettre sous séquestre les fonds levés lors de l’introduction en bourse dans l’attente de l’IBC, à travers la mise en place d’un contrat de séquestre. En France, plusieurs types de séquestre sûrs et très souples dans leur mise en place sont à disposition, dont certains comportent une remise des fonds auprès d’un établissement public de premier rang (Caisse des Dépôts et Consignations).

Prospectus en anglais si besoin

Affichant sa bonne volonté, l’AMF rappelle aussi que les prospectus sont instruits dans des délais efficaces et le cas échéant en langue anglaise si l’émetteur le souhaite.

Le régulateur souligne toutefois veiller à la protection des investisseurs, conformément à ses missions. A cet égard, l’AMF se dit notamment attentive :

  • à l’existence d’engagements de conservation de leurs actions par les fondateurs du SPAC et à la gestion des conflits d’intérêt ;
  • à ce que l’information délivrée aux investisseurs soit complète, compréhensible et cohérente. Le régulateur est, par exemple, attentif aux informations en lien avec le secteur d’activité, les facteurs de risque, la gouvernance et la gestion des éventuels conflits d’intérêt ; 
  • à la mise en place d’un séquestre pour les fonds levés lors de l’introduction en bourse dans l’attente de la première acquisition et donc à la possibilité pour les investisseurs de se faire rembourser si l’opération n’a pas lieu ;
  • à la possibilité pour les actionnaires, au moment de l’IBC, de se faire rembourser par le rachat de leurs actions (ou à tout autre mécanisme équivalent) ;
  • aux modalités d’approbation de l’opération d’acquisition initiale (IBC) et à l’information diffusée à ce titre aux investisseurs.

Un discours plus prudent

Robert Ophèle, le président de l'AMF, a aussi évoqué le sujet ce jeudi en prononçant le discours de présentation du rapport annuel 2020 avec un ton plus nuancé que celui du communiqué : "D’une certaine manière, les Etats-Unis nous ont montré les écueils à éviter avec la quasi-totalité des SPAC lancées par des sponsors de qualité médiocre qui se sont avérées perdantes. Je le dis donc très nettement, nous ne sommes pas, à l’AMF, hostiles par principe aux SPAC. Avec une structuration de qualité permettant un alignement des intérêts, la SPAC est une manière d’introduire en Bourse des sociétés de taille significative, complémentaire des introductions traditionnelles et établissant un lien potentiellement fructueux avec le private equity".

De son côté, la SEC (Securities and Exchange Commission) semble également opter pour une approche plus prudente à l'égard des SPAC. Dans deux "public statements" en forme d'avertissements aux investisseurs, John Coates, Acting director au sein de la division finance d'entreprise du gendarme boursier américain, fait part de ses inquiétudes et pointe certains risques juridiques et comptables liés à ces structures.

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