La Banque de France et la banque centrale de Singapour ont évalué la gestion des liquidités pour le paiement et le règlement transfrontières avec deux monnaies numériques. Avec Liquidshare, c’est l’expérimentation de la livraison contre paiement de titres financiers qui a été réalisée. Après les huit essais prévus, une phase d’investigation pourrait débuter à l’automne avant une décision de lancement par la BCE en 2023.
La Banque de France avance à grand pas dans ses expérimentations de monnaie numérique de banque centrale (MNBC). En tout, huit tests sont au programme pour vérifier la pertinence d’un euro digital ou e-euro. Et il n’en reste plus que trois à réaliser après les deux dernières annonces de ces derniers jours.
MNBC Euro et la MNBC dollar de Singapour
Officialisée ce jeudi, la dernière en date a été réussie avec l’Autorité monétaire de Singapour, la banque centrale locale. Il s’agissait d’une expérimentation de paiement et de règlement transfrontières sur un réseau commun partagé (multi-MNBC ou m-MNBC) entre les deux pays. Elle a mis en œuvre des fonctions automatisées de tenue de marché et de gestion de liquidité ainsi qu’un mécanisme de blocage de fonds sur deux monnaies digitales différentes : la MNBC Euro et la MNBC dollar de Singapour.
Essai après essai, Banque de France se montre de plus en plus convaincue de l’intérêt des bénéfices de la blockchain, cette technologie de stockage et de partage d'informations sans intermédiaire ou organe central de contrôle :
“Actuellement, les paiements transfrontières sont souvent lents et coûteux. Ils reposent sur des accords impliquant des banques correspondantes. Ces accords font l’objet d’une transparence limitée sur les taux de change et les paiements sont soumis aux heures de fonctionnement restreintes des infrastructures de paiement et des retards potentiels dus aux différences de fuseaux horaires. Pour relever ces défis, l'expérimentation, qui a utilisé un réseau m-MNBC commun, visait à faciliter les paiements transfrontières en temps réel, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, en éliminant les décalages actuels entre les heures de fonctionnement de systèmes de paiement”.
Mise à l'échelle de la plateforme multilatérale
La banque centrale nationale explique aussi que cette expérimentation ouvre la voie à des utilisations de plus grande envergure : “Bien que l'expérience se soit limitée à deux banques centrales, la conception du réseau m-MNBC ouvre la possibilité d’une mise à l'échelle de la plateforme multilatérale commune permettant de soutenir les interactions entre plusieurs banques centrales et banques commerciales situées dans différentes juridictions.”
Autre expérience annoncée ces derniers jours, celle réalisée avec Liquidshare. Créée en 2017, la Fintech française est spécialisée dans la technologie des registres distribués et de la blockchain pour développer des solutions innovantes à destination des acteurs du post-marché, les opérations réalisées après les transactions.
Elle emploie 12 collaborateurs à Paris et compte 8 actionnaires dont plusieurs établissements financiers européens et français : S2IEM, CDC, Société Générale, Caceis, BNP Paribas, le broker néerlandais AFS, mais aussi Euroclear et Euronext.
Cycle de vie complet d’un titre financier
“L’expérimentation a permis de valider la livraison contre paiement de titres financiers cotés et non cotés. Les cas d’usage testés ont couvert le cycle de vie complet d’un titre financier, de son émission et enregistrement dans la blockchain jusqu’au dénouement des opérations du marché secondaire. Ils ont permis de valider l’ensemble des processus tout au long de la journée avec notamment les fonctions de création, de contrôle et de destruction des jetons de MNBC dévolues à la Banque de France”, explique Liquidshare.
Au total, 15 entités et plus de 45 participants ont contribué aux opérations pendant deux jours: investisseurs, Euronext en tant que place de marché, Euroclear France en tant que dépositaire central de titres pour les titres cotés, brokers, teneurs de comptes-conservateurs (clients particuliers et institutionnels).
Se préparer sans aucune hésitation
Lors d’un discours prononcé la semaine dernière au forum international de Paris Europlace, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, a insisté sur la nécessité d’agir vite :
"Il faut se préparer, sans aucune hésitation, à pouvoir introduire rapidement une MNBC si cela s’avérait nécessaire. En juillet prochain, le Conseil des gouverneurs pourrait donner son feu vert au lancement d’une phase d’investigation, qui pourrait débuter à l’automne et durer jusqu’en 2023. À cette date, le Conseil des gouverneurs décidera de lancer ou non un euro numérique. Il nous faudra encore quelques années de travaux préparatoires sérieux pour qu’un e-euro devienne une réalité.”
“Je le répète : s’agissant de la monnaie et des paiements numériques, nous devons être prêts en Europe à évoluer aussi vite que nécessaire ou bien nous courons le risque d’une érosion de notre souveraineté monétaire – ce qui n’est pas acceptable. Les citoyens européens doivent avoir accès durablement à des moyens d’échange efficaces et indépendants. L’expérience récente dans un autre domaine montre que nous pouvons réussir”, a-t-il insisté.