Publication d’informations ESG : le cadre réglementaire se précise

  • Publication publiée :20 décembre 2022
  • Post category:Avis d'expert
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Le cadre réglementaire en matière de publication d’informations sur la durabilité a de nouveau été étoffé ce 25 juillet avec la publication d’un nouveau règlement délégué. Ce texte apporte des précisions bienvenues sur le contenu et la présentation des différentes informations que doivent publier les entités assujetties au Règlement SFDR. Chronique juridique (déjà publiée le 6 septembre 2022) de Sébastien Praicheux, docteur en droit, avocat au Barreau de Paris, associé (Norton Rose Fulbright LLP) et chargé d’enseignement.

C’est l’un des sujets majeurs de la rentrée. Le 25 juillet, la Commission européenne a publié un nouveau règlement délégué (UE) 2022/1288 (le « Règlement Délégué »), venant compléter et préciser le Règlement SFDR (Règlement (UE) 2019/2088 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers).

On sait que le Règlement SFDR s’applique aux acteurs des marchés financiers et aux conseillers financiers, que sont les banques fournissant des services de conseil ou les entreprises d’investissement fournissant des services de gestion de portefeuille. Ces acteurs sont depuis l’entrée en application du Règlement SFDR soumis à des obligations de transparence relatives à l’intégration des risques de durabilité, des incidences négatives sur les facteurs de durabilité dans leurs procédures et stratégies d’investissement ainsi qu’à l’élaboration des produits financiers dits « verts » et ce, depuis le 10 mars 2021.

En France, c’est l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) qui est chargée de superviser la bonne application du Règlement SFDR par les entités assujetties à son contrôle, à l’exception des activités de prestation de services d'investissement pour le compte de tiers, qui relèvent de la compétence de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).

Le détail des informations à publier et les modèles de présentation nous sont offerts par le Règlement Délégué – qui peut être lu conjointement avec le rapport conjoint sur la publication volontaire des principales incidences négatives (Recommandations to NCAs du Joint ESAs’ Report on the extent of voluntary disclosure of principal adverse impact under the SFDR) publié le 28 juillet dernier par les autorités européennes de supervision (Autorité bancaire européenne, Autorité européenne des marchés financiers et Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles). Ce rapport fait état des pratiques de marché en matière de publication des principales incidences négatives et des bonnes pratiques recommandées par les autorités. 

Les principes généraux en matière de présentation de l’information

En matière de présentation, le Règlement Délégué requiert tout d’abord que les informations sur la durabilité soient facilement accessibles sur les sites internet des entités et ce, de manière gratuite, visible et dans une police de caractères lisible. Les dates de publication et de mise à jour doivent notamment être clairement mentionnées. Dans leur rapport conjoint, les autorités européennes de supervision ont été attentives à la présentation de ces informations et ont souligné comme étant de bonne pratique qu’elles soient mises en avant dans la section dédiée aux thématiques « ESG » (Sustainability) du site internet des entités.

Le contenu de l’information répond aux canons à présent bien connus du droit financier : exigence de clarté, de concision, de cohérence, de complétude et du caractère « compréhensible » des informations émises. Le Règlement Délégué conçoit d’ailleurs les informations publiées sur le site internet comme une extension de celles présentes dans les documents précontractuels.

Le contenu de la déclaration des principales incidences négatives sur la durabilité

En outre, conformément à l’article 4 du Règlement SFDR, les entités doivent être transparentes quant aux outils de mesure, d’évaluation et de surveillance des caractéristiques environnementales et sociales qu’elles emploient et de l’impact négatif sur les facteurs de durabilité des produits qu’elles proposent. Ces informations doivent être publiées au plus tard le 30 juin de chaque année sur leur site. Dans ce cadre, l’Annexe 1 du Règlement Délégué fournit un modèle de déclaration des principales incidences négatives sur la durabilité et détaille l’ensemble des informations devant y être mentionnées. Si elles ne publient pas ces informations, les entités doivent en préciser les raisons, de la manière la plus neutre possible, ainsi que le recommandent les autorités européennes de supervision. 

Ces exigences donnent lieu à une mise en œuvre « interne » conséquente : procédures, politiques, sessions de formation, intégration dans la « comitologie », prise en compte dans la cartographie des risques, etc.  

Le contenu des informations à publier sur les produits Article 8 et Article 9

Les annexes du Règlement Délégué prévoient également des modèles de publication des informations précontractuelles et périodiques pour les produits faisant la promotion de caractéristiques environnementales et/ou sociales (produits dits « Article 8 ») et les produits ayant un objectif d’investissement durable (produits dits « Article 9 »). 

La frontière entre ces deux catégories de produits n’est pas toujours aisée à délimiter. L’enjeu porte notamment sur le volume et le niveau d’informations à fournir ; on peut s’attendre à des précisions des autorités européennes sur cette question.

Ainsi, à titre d’exemple, les informations précontractuelles d’un produit Article 8 doivent préciser si le produit financier prend en considération les principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité, la stratégie d’investissement poursuivie et notamment, quels éléments contraignants de la stratégie d’investissement sont utilisés pour sélectionner les investissements afin d’atteindre chacune des caractéristiques promues par le produit et quelle est la politique d’évaluation des pratiques de bonne gouvernance des sociétés bénéficiant des investissements.

Les prochaines étapes

Le Règlement Délégué doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023. 

Dans cette optique, les autorités européennes de supervision encouragent les autorités de supervision nationales ayant participé à l’élaboration de ce rapport à entamer un dialogue avec les entités supervisées dont les pratiques n’étaient pas conformes au Règlement SFDR ou qui pourraient être améliorées. Elles les invitent également à suivre les évolutions des pratiques de marché et, au besoin, lorsque des violations auront été constatées d’effectuer des contrôles et enquêtes sur place. 

Les entités sont donc incitées à se mettre au plus vite en conformité avec les préconisations des autorités européennes de supervision, qui seront très attentives à leur bonne application. Les autorités de supervision européennes ayant fait de la lutte contre l’« écoblanchiment » (greenwashing) une priorité pour les prochaines années, le respect des obligations de publication en matière de finance durable apparaît de plus en plus comme un enjeu crucial pour les acteurs du marché, potentiellement source de risque contractuel et réglementaire en cas de manquement. 

L’AMF, pionnière dans la mise en œuvre de la finance durable en France, avait annoncé dès janvier 2021, en amont de l’entrée en application du Règlement SFDR, sa volonté de faire converger le cadre national avec le cadre européen, en mettant notamment à jour sa doctrine à ce sujet. De nouvelles modifications pourraient donc être attendues à la suite de l’adoption du Règlement Délégué. 

D’autres règles clés sont attendues prochainement, qui auront une incidence importante sur l’exercice des activités des acteurs financiers, telle que l’adaptation du cadre prudentiel aux exigences de la finance durable, dont le mandat revient à l’Autorité Bancaire Européenne (ABE / EBA).

L’auteur remercie Me Clémence Durand, avocate et Melle Léa Barmont, stagiaire, Norton Rose Fulbright LLP.

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